Couverture du journal du 02/10/2024 Le nouveau magazine

Phytomer à Saint-Malo : la science et l’export dans la peau 

Avec une présence dans 80 pays et une empreinte de 10 000 spas, Phytomer se distingue comme un acteur de rang mondial dans l'industrie des produits cosmétiques et bien-être. La société, installée à Saint-Malo, a tissé un réseau de professionnels (spas, instituts…) grâce à une approche B to B to C, générant un chiffre d'affaires estimé entre 35 et 40 millions d'euros. Forte de ses 200 employés, l’entreprise, dont le fleuron est la marque Phytomer, s'appuie également sur trois autres marques. Propriété d’Antoine Gédouin, fils du fondateur de l’entreprise créée en 1972, Phytomer est aujourd’hui co-dirigée par Mathilde Gédouin-Lagarde, la fille d’Antoine, et par son époux, Tristan Lagarde.

Mathilde Gédouin-Lagarde dans le nouveau centre de formation Phytomer, où des groupes du monde entier viennent apprendre ou approfondir les rituels de soin de la marque malouine. ©Studio Carlito

Mathilde Gédouin-Lagarde dans le nouveau centre de formation Phytomer, où des groupes du monde entier viennent apprendre ou approfondir les rituels de soin de la marque malouine. ©Studio Carlito

Dans l’exercice de se livrer, elle aurait préféré qu’on l’oublie. Dommage, car Mathilde Gédouin Lagarde a des choses à dire. L’entreprise qu’elle dirige, après un passage par la direction marketing à son arrivée en 2010, est une référence dans le secteur des spas et instituts de beauté. Avant elle, son grand-père, puis son père, ont, tour à tour, contribué à hisser la marque sur le marché haut-de-gamme à travers le monde. La dirigeante nous reçoit dans la salle à manger de ses grands-parents, complètement transformée en espace de réunion depuis quelques années. Dans ce quartier de Rothéneuf, où le siège de l’entreprise et un spa sont implantés, la brise de la famille Gédouin souffle vigoureusement.

Une présence multifacettes

« Phytomer ne se limite pas à la simple vente de produits. Avec un centre de recherche et de production, un centre de formation, et trois spas en propriété, l’entreprise adopte une approche holistique axée sur l’optimisation de protocoles pour offrir des soins de la plus grande qualité. » Cette démarche se déploie dans un modèle commercial B to B to C, les clients sont les spas et les instituts de beauté, et écoule 1,5 million d’unités par an ; mais également en B to B avec la commercialisation d’ingrédients actifs « de pointe » à des marques de cosmétiques premium et luxe, une activité « très stratégique. Nous marchons sur deux jambes». Pour connaître les chiffres, il faudra repasser. La discrétion a été élevée au rang de vertu cardinale chez les Gédouin. « Pour vivre heureux, vivons cachés, non ? »

Avec un centre de recherche et de production, un centre de formation, et trois spas en propriété, l’entreprise adopte une approche holistique

Une success story mondiale : 2/3 de l’activité à l’international

Sous la vision pionnière d’Antoine, le père de Mathilde Gedouin-Lagarde, l’entreprise a tracé son chemin vers l’internationalisation dès les années 1980, représentant aujourd’hui 2/3 de son activité.
« Notre bouteille de lotion emblématique est vendue dans le monde toutes les 5 secondes. »

Les fondations américaines

©Phytomer

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L’histoire de Phytomer aux États-Unis remonte à 1986, avec la création de Phytomer Corporation à Salt Lake City. Cette joint-venture, fruit de la collaboration entre la famille de Lenette Casper, CEO de Phytomer USA, et la famille Gedouin, a solidifié les bases de l’entreprise sur le marché nord-américain. « Les États-Unis sont toujours à la pointe des tendances du bien-être et du spa. »

L’Asie, relai de croissance

Le Japon, avec Phytomer Japan, est un pilier historique de la présence asiatique de l’entreprise.
Toutefois, « la dynamique et l’énergie créatrice bascule vers la Corée, qui est un vrai relai de croissance et d’inspirations. Les Coréens sont très innovants sur les canaux de distribution, très avancés sur le social selling, le recours aux influenceurs très qualitatifs. Innovation marketing. Très bons dans les assortiments de produits et la création de coffrets. C’est aussi une clientèle très exigeante sur la qualité et le résultat des produits. Les femmes ont une routine beauté composé de 7 à 8 étapes. »

Moyen-Orient : ambitions « pharaoniques »

Historiquement établie à Dubaï et en Arabie Saoudite, Phytomer voit des « perspectives très importantes avec des projets hôteliers pharaoniques dans d’autres pays du Golfe, le Qatar en particulier, et des ambitions affirmées dans le secteur du bien-être ». Si elle ne l’est pas encore, le Moyen-Orient pourrait devenir une zone stratégique dans les années à venir.

Nouvelles frontières africaines

« De nouvelles frontières sont à explorer. L’Afrique offre beaucoup de possibilités. » Déjà implantée en Afrique du Nord et en Côte d’Ivoire, l’entreprise envisage des opportunités d’expansion économique au Sénégal, au Ghana, ou en Afrique du Sud. « Ces territoires offrent un terrain très fertile pour le secteur du bien-être, où Phytomer peut apporter son savoir-faire. »

Les défis de l’exportation

Naviguer dans ces eaux internationales n’est pas sans défis. « Le travail à l’exportation exige un véritable savoir-faire d’adaptation, avec des considérations réglementaires cruciales. L’environnement risqué, les droits de douane et les spécificités de chaque marché nécessitent une approche méticuleuse pour garantir notre longévité. »

La science pour extraire les molécules de l’océan

©Phytomer

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Depuis ses débuts, Phytomer laisse une place prépondérante à la science. La marque exploite la biocompatibilité entre les organismes marins et l’épiderme humain. La composition du plasma sanguin présente des similitudes avec celle de l’eau de mer, ce qui facilite l’assimilation et la tolérance des produits par le corps.
Un engouement qui prend naissance à partir des années 1970, avec le boom de la thalassothérapie. Jean Gédouin, le grand-père de Mathilde et fondateur de Phytomer, se montre lui-même convaincu, par sa propre expérience, des bienfaits de l’eau de mer. Il veut partager ces propriétés au plus grand nombre. Ainsi naît Oligomer, un concentré d’eau de mer lyophilisé, toujours ingrédient phare de la marque.
« Ce lien avec la mer nous oblige. Le développement durable est au centre de nos préoccupations, par conviction, mais aussi car nous nous devons de protéger les ressources avec lesquelles nous travaillons. »

Un laboratoire à Roz-sur-Couesnon

©Phytomer

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Le laboratoire de l’entreprise, situé à Roz-sur-Couesnon (35), dans la baie du Mont Saint-Michel, constitue « le cœur du réacteur ». Il est composé de 85 personnes, des chercheurs en biocutanée, en biodiversité marine, des formulateurs, des experts…
Phytomer cultive en pleine mer avec des partenaires exclusifs, tels que C-Weed Aquaculture, spécialisée dans la culture en mer, la récolte et le séchage des algues depuis 1983. Le site de production est localisé en mer, à Saint-Suliac, depuis 1989 et le laboratoire-écloserie à Saint-Malo. L’entreprise produit différentes espèces d’algues, dont le Wakamé.

Un marché hautement réglementé

Naviguant dans un marché fortement réglementé, Phytomer jongle avec le défi du protectionnisme, particulièrement marqué dans le secteur de la cosmétique. « Affronter le retour du protectionnisme sur les marchés mondiaux » était d’ailleurs au menu du 21e congrès des enjeux réglementaires des cosmétiques et parfums, qui s’est tenu à Chartres, début novembre. « Au niveau mondial, nous avons, de loin, la réglementation la plus contraignante (ingrédients, claims, tests…). Ce cahier des charges évolutif vise à protéger la santé des consommateurs, l’environnement, et à maintenir des normes élevées de qualité. Nous étoffons régulièrement notre service réglementation. »
L’entreprise qui a fait de la qualité son étendard affiche « un taux de réclamation proche de 0. »

Perspectives d’avenir

©Studio Carlito

©Studio Carlito

Arrivée avec son mari, après une première vie en Australie, elle chez Dior, lui dans la finance, Mathilde Gédouin-Lagarde imprime petit petit sa pâte. « La qualité des produits était déjà là. Avec Tristan, mon mari, nous avons retravaillé l’image de marque, la communication, les packagings, le parcours clients… » Le couple poursuit le développement des 4 marques du groupe (Phytomer, Vie, Fleur’s, Phytocéane) et des trois spas en propre, dont deux ouverts à Paris en 2018 et 2021.
Vendre l’entreprise ? Réponse sans appel : « Inenvisageable. Nous n’avons aucune raison de vendre, nous nous épanouissons et nous avons des perspectives de développement. »

 

 

Bonus

Un livre ? « J’ai toujours un livre avec moi, c’est difficile de n’en choisir qu’un. Je dirais « Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu. »
Un lieu ? « La plage du Nicet, à Rothéneuf. J’adore le bord de mer, il n’y a rien de plus beau. »
Une personne inspirante ? « Quelqu’un que je viens de voir au Global Wellness Summit à Miami : l’athlète olympique, gymnaste, Simone Biles. Elle est charismatique, joyeuse, résilience, généreuse dans sa parole. » Ndlr : La gymnaste américaine, multi-médaillée, avait mis sa carrière sur pause pendant deux ans pour préserver sa santé mentale face à la pression
Un mantra ? « Accepte, va de l’avant. Il ne faut pas se laisser polluer par les petites choses de la vie et passer à autre chose. »
Que faites-vous quand vous ne travaillez pas ? « Du sport ! C’est un besoin indispensable pour mon calme intérieur. »