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Règlement de Copropriété : une refonte entre incertitude et ambition

S’est tenue le jeudi 4 novembre 2021 au Couvent des Jacobins la nouvelle édition du Salon UnisMouv’, l’immobilier en mouvement, salon organisé par l’UNIS Bretagne – Union des Syndicats de l’Immobilier, à destination notamment des syndics, des copropriétaires, des gestionnaires de biens, des agents immobiliers et de leurs prestataires communs. C’était l’occasion rêvée de faire un point sur l’actualité du droit de la copropriété, actualité en perpétuelle évolution (loi ALUR, MACRON, ÉLAN, CLIMAT & RÉSILIENCE…). A ainsi été évoquée l’épineuse question de la mise en conformité du règlement de copropriété.

Maître Charlotte Garnier, avocat au barreau de Rennes, copropriété

Maître Charlotte Garnier, avocat au barreau de Rennes ©Photo Yann Studio

Le règlement de copropriété définit les modalités du vivre ensemble : organisation et fonctionnement des immeubles soumis au régime de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d’application du 17 mars 1967. Tout doit y être : de la définition des parties communes et privatives, à la destination de l’immeuble, en passant par la répartition des charges. Contrairement à son petit frère, l’état descriptif de division, seul le règlement de copropriété dispose d’une nature contractuelle, de sorte que ses clauses doivent s’appliquer, tant que le juge ne les a pas réputées non écrites ou que l’assemblée générale ne les a pas annulées.

Or ce document, souvent jauni par le temps, est parfois obsolète dans sa rédaction et inadapté à l’époque contemporaine. Mais surtout certaines de ses clauses sont contraires aux dispositions impératives de la loi du 10 juillet 1965.

Qui peut modifier le règlement de copropriété ?

Seule l’assemblée générale de la copropriété est en mesure de décider d’une modification du règlement de copropriété. La difficulté tient aux majorités applicables en pareille hypothèse.

La nature conventionnelle du règlement de copropriété implique que sa modification n’est possible que dans certains cas restrictivement prévus par la loi. Certaines clauses ne peuvent être modifiées qu’à l’unanimité, notamment les clauses relatives à la destination des parties privatives, ou à leurs modalités de jouissance (article 26 de la loi du 10 juillet 1965), la répartition des charges ne peut quant à elle intervenir qu’à l’unanimité.

Les hypothèses d’actualisation antérieures

La loi SRU du 13 décembre 2000 a permis aux syndicats de co-propriété d’actualiser leurs règlements, quand les modifications étaient justifiées par l’évolution législative, et ce, à une majorité attractive, celle de l’article 24, à savoir la majorité des présents ou représentés ou ayant voté par correspondance. Cette actualisation permet un toilettage du règlement et le remplacement des clauses contraires aux dispositions d’ordre public de la loi, telle que la durée fixée entre la convocation de l’assemblée et sa tenue (initialement fixée à 15 jours, puis désormais à 21), ou la répartition de charges non conforme aux critères légaux…

Cette actualisation dont le délai de mise en œuvre initialement fixé à 5 ans, a été porté à 8 ans, a finalement été abrogée et intégrée à l’article 24 II f de la loi du 10 juillet 1965, devenant une simple possibilité offerte aux copropriétaires.

La mise en conformité issue de la Loi ÉLAN

La loi n°2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite ÉLAN du 23 novembre 2018 a souhaité œuvrer vers une clarification du droit de la copropriété en intégrant des catégories de parties d’immeuble créées et définies par la jurisprudence, en l’occurrence le lot transitoire, les parties communes à jouissance privative et les parties communes spéciales. C’est au regard de ces trois notions que la mise en conformité du règlement s’impose.

Le lot transitoire est désormais défini comme étant « formé d’une partie privative, constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante » et sa « création » et sa « consistance » sont « stipulées dans le règlement de copropriété » (article 1er de la loi du 10 juillet 1965).

La mise en conformité vise, s’agissant du lot transitoire, deux hypothèses : lorsque le lot transitoire est défini dans un autre document, comme l’état descriptif de division, et quand ce lot n’est pas précisément défini ou non assorti de quote-part de parties communes. Sa description précise devra figurer dans le règlement de copropriété : le périmètre dans lequel s’inscrira la construction, le nombre de bâtiments, le surface de plancher…

La loi ÉLAN prévoit également que « l’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété » (article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965).

L’article 6-3 de la même loi ajoute que « Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot ». Il importe donc d’identifier ces droits de jouissance portant sur des terrasses, jardins, cours, places de stationnements et s’assurer qu’ils ne sont pas mentionnés dans un autre document que le règlement de copropriété, qu’ils ne sont pas la partie privative d’un lot ou isolés au regard du lot principal. À défaut, la mise en conformité s’imposera. S’agissant des parties communes spéciales, il s’agit de celles « affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires » (article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965). Se posera en marge de cette identification, la question des charges applicables, question qui ne pourra toutefois pas être soumise à la même majorité que la mise en conformité.

Le délai applicable, J-

Les articles 206 II et 209 II de la loi ÉLAN précisent que les syndicats de copropriété disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi, soit jusqu’au 23 novembre 2021, pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions des articles 1er et 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ce qui implique que l’assemblée générale ait approuvé le modificatif au règlement au 23 novembre 2021, soit d’ici quelques jours…

Modalités pratiques

Le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété, étant observé que l’analyse du règlement de copropriété ne relève pas de la compétence du syndic qui n’a ici qu’un rôle de conseil.

La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise « à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés» (article 206 II, alinéa 2, de la loi ÉLAN), élargie des votes par correspondance (Article 24 I de la loi du 10 juillet 1965).

Cette mise en conformité implique un processus long qui peut difficilement être inférieur à 3 ans :

  • La réalisation par un professionnel qualifié d’un audit du règlement de copropriété, de l’état descriptif de division et des procès-verbaux d’assemblées générales, pour s’assurer de l’opportunité d’une mise en conformité ;
  • La désignation d’un professionnel pour rédiger un projet de modificatif ;
  • Le vote de l’approbation du projet de modification au règlement et sa publication, le tout à la majorité de l’article 24.

Le contexte sanitaire a ralenti, voire paralysé le vote de telles résolutions, puisque la tenue des assemblées générales par correspondance ou par visioconférence n’a pas favorisé l’organisation d’un débat efficace sur les contours de la mise en conformité du règlement de copropriété, les assemblées se focalisant sur les résolutions indispensables au bon fonctionnement de la co-propriété. Au regard des étapes nécessaires à l’adoption d’un tel modificatif, ce délai de trois ans apparait irréaliste.

Préconisations du GRECCO

Le Groupe de RECherche en COpropriété dit le GRECCO composé de praticiens et universitaires qui a pour objectif de « développer une réflexion pérenne sur l’application et l’évolution du droit de la co-propriété ». « Après débats, le GRECCO rédige des propositions destinées à faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété, à suggérer des pratiques professionnelles et à susciter des modifications législatives et réglementaires » (*Préconisations du GRECCO). Dans sa préconisation n°13 du 16 septembre 2021, le GRECCO a recommandé un report de la date butoir d’au moins deux ans, idéalement avant le 23 novembre 2021 ainsi qu’une clarification de la question de la sanction de cette absence de mise en conformité.

Projet de la loi 3DS

Le projet de loi relatif à la Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique dit 3Ds, adopté en 1re lecture au Sénat le 21 juillet 2021, prévoit en son article 24 un report du délai de 3 à 6 ans soit jusqu’au 23 novembre 2024 pour les immeubles mis en copropriété jusqu’à la date du 1er juillet 2022 et précise que l’absence de mention dans le règlement de copropriété du lot transitoire, des parties communes spéciales ou à jouissance privative, sont sans conséquence sur leur existence.

Toutefois rien ne dit si ces dispositions pourront être adoptées, ni quand. Il apparait évidemment souhaitable que ce cavalier législatif prenne le train d’une autre loi. Mais il est peu probable qu’il soit adopté avant le 23 novembre 2021…

La sanction de l’absence de mise en conformité : l’incertitude

La question de la sanction a soulevé un débat important chez les praticiens. Si le texte ne prévoit pas de sanction, il n’en demeure pas moins que peut se poser la question de l’inexistence des droits à l’échéance de la période accordée, ou du caractère réputé non écrit de la clause concernée, étant rappelé qu’elle reste applicable jusqu’à la décision du juge. Cette sanction est évidemment dramatique pour les titulaires de ces droits, ce qui ne manquerait pas de soulever un contentieux important, eu égard aux enjeux. Cette situation risque également d’entrainer des difficultés en cas de vente de ces parties d’immeuble, en l’absence de mise en conformité du règlement, au risque d’engager la responsabilité des différents intervenants.

Au-delà du délai fixé au 23 novembre 2021, cette mise en conformité pourra toujours être portée au vote des copropriétaires, mais à l’unanimité, ce qui lui laisse peu de chances d’aboutir.

Une chose est sûre, le métier de syndic a de beaux jours devant lui, tant la matière suppose d’être exercée par des professionnels avisés et formés, mais l’attractivité de son exercice implique que le législateur calme ses ardeurs tant les modifications récentes engendrent incertitudes et pressions inutiles.

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