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Éric Philippe, vice-président de « Merci les Algues » et président de « Valorial »

Éric Philippe est un précurseur. Ce qui l’anime, c’est la création de filières agricoles. Produire, transformer sur place, créer une marque, fédérer tous les acteurs au sein d’un même projet. Coopérer pour innover, s’unir pour une alimentation plus saine demain. Éric Philippe porte ces combats à travers le label « Merci les Algues » et son engagement au sein du pôle Valorial qu’il préside depuis le 10 juillet 2020.

Éric Philippe

Création d’une filière pomme de terre en Bretagne

Éric Philippe

Éric Philippe est issu d’une formation agricole. Il obtient un diplôme d’ingénieur agro-alimentaire à l’école de Purpan à Toulouse puis se forme aux techniques de management à HEC. « Globalement j’ai toujours été impliqué dans la démarche filière » raconte-t-il. « Ma première grande mission a été de monter une filière pomme de terre / chips en Bretagne pour la famille Glon. » Nous sommes en 1991 et la fin des quotas laitiers inquiète les agriculteurs. Alain Glon a alors l’idée de monter une filière pomme de terre pour assurer un revenu complémentaire aux éleveurs. Les pommes de terre cultivées sont achetées en totalité aux exploitants puis transformées en chips. « Nous avons créé une filière de A à Z, de la production à la transformation en usine. » L’entreprise Altho voit le jour et sa marque de chips Bret’s prend rapidement sa place de leader aux côtés de Lays et Vico. « Le succès a été porté par un concept marketing original de chips aromatisées associant des saveurs inédites » souligne Éric Philippe qui restera aux manettes de l’entreprise pendant 15 ans comme directeur général. En 2007, il rejoint le Groupe Avril au poste de DGA Responsable des filières animales jusqu’en 2017.

« L’aliment standard de demain doit avoir moins d’antibiotiques et moins de produits phyto »

Merci les Algues ! Un label pour des filières responsables

Après 10 ans de management au sein du Groupe Avril, Éric Philippe ressent le besoin de pivoter pour revenir vers des missions au plus proche de ses aspirations « Le sujet de la transition agricole m’intéressait tout particulièrement avec l’arrêt des poules en cages, les remises en cause sur les traitements et les labours… ». C’est finalement le domaine des algues qui emporte son intérêt. Il rencontre alors Hervé Balusson du groupe Olmix « Hervé travaillait depuis 15 ans avec son groupe sur l’utilisation d’extraits d’algues dans les produits de nutrition et de santé destinés aux filières animale, végétale et humaine. L’algue peut être une alternative naturelle aux additifs chimiques utilisés en agriculture. Olmix a travaillé avec l’INRA et le CNRS de Roscoff, qui se trouve être le plus grand centre de recherche européen en algues. » Une innovation qui passionne Éric Philippe « 90 % des algues sont cultivées en Asie, mais pour de la consommation courante. Ils ne sont pas allés jusqu’à la composition d’extraits pour la nutrition animale ou le traitement des plantes. »

Et les résultats sont au rendez-vous. La capacité de l’algue à déclencher l’immunité végétale et animale fait ses preuves. 90 % des volailles élevées dans les programmes de test le sont sans antibiotiques. Idem pour la résistance des plantes. Hervé Balusson et Éric Philippe décident alors de créer des filières nommées « Merci les Algues » qui regrouperont tous les acteurs engagés : agriculteurs, scientifiques, distributeurs, entreprises de l’agroalimentaire. « Merci les Algues » devient également un label permettant aux consommateurs de reconnaitre les produits issus de la filière. L’association est créée en janvier 2020. Pour Éric Philippe devenu vice-président de « Merci les Algues » les enjeux sont clairs « L’aliment standard de demain doit avoir moins d’antibiotiques et moins de produits phyto ».

« Il ne faut pas sacrifier l’innovation en temps de crise »

Valorial, un pôle pour fédérer les entreprises autour de l’innovation agro-alimentaire

« Merci les Algues » adhère dès sa création à Valorial. Ce pôle de compétitivité du Grand Ouest fédère 360 industriels et une communauté de 4 000 innov’acteurs autour de « l’aliment plus intelligent ». Éric Philippe intègre le conseil d’administration puis prend la présidence quelques mois plus tard, succédant à son ami Pierre Weill, fondateur de Bleu, Blanc, Cœur. « Avec le bureau, notre ambition est de prolonger l’excellent travail de Pierre Weill et son équipe à travers le projet initié en 2019 « Des racines et des étoiles ». Des racines pour le terroir et des étoiles, celles du drapeau européen. «Notre mission est de favoriser l’innovation, de créer du lien, d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre des projets et la recherche de financement. D’ailleurs, l’État bascule de plus en plus la responsabilité du financement de l’innovation sur l’Europe. Notre rôle est donc de fédérer pour mettre en place des projets solides d’innovation afin d’aller chercher ces fonds européens. » Le regroupement avec le pôle de compétitivité sud-ouest devrait renforcer le poids de Valorial et sa force de lobbying.

Mais le contexte d’incertitude économique liée à la pandémie Covid-19 peut freiner les projets. À ce sujet, Éric Philippe alerte « Il ne faut pas sacrifier l’innovation en temps de crise » et rappelle que « ce sont les entreprises qui ont poursuivi les investissements en recherche et innovation qui s’en sont le mieux sorties après la crise de 2008 ! »

« le bon ne doit pas être une niche »

Et demain ? Ce sera quoi un aliment intelligent ?

« Attention au mot intelligent ! L’intelligence peut être criminelle » plaisante Éric Philippe. « L’aliment doit être bénéfique pour la santé avec moins de chimie, une transparence sur sa composition et sa provenance, et respectueux de l’environnement dans sa production. » Mais l’homme insiste sur un point : l’aliment doit être plus « communicant » « Les consommateurs ont besoin de comprendre les différences entre les produits qui leur sont proposés. La plupart d’entre eux seront prêts à mettre un peu plus cher s’ils sont sensibilisés. J’appelle les commerçants à nous aider à faire ce travail de pédagogie. Cela permettra de prioriser les filières locales et faire vivre nos agriculteurs. » Et de conclure « le bon ne doit pas être une niche ».