Miroir du Passé, Scène du Présent
Ce joyau architectural a conquis le cœur de Bénédicte Truchard et de son mari, qui en sont les fiers propriétaires depuis un an. Une acquisition « coup de foudre » pour la maitresse des lieux, éperdument tombée sous le charme du Boschet. Dotée d’une grande sensibilité artistique, cette esthète passionnée du XVIIe siècle exerce le métier de doreuse et se délecte des arts. Au départ, c’était surtout son mari qui nourrissait le désir d’acquérir un tel bien. Pour elle, sa vie ne
pouvait être bouleversée que pour une bâtisse : « le château du Boschet », car il incarne tout ce qu’elle chérit – le XVIIe siècle, la dorure, l’art de vivre de cette époque, la langue française, la musique de Lully… « Ces aspects me touchent profondément. Et puis, ce jardin à la française, une pure merveille ! Le château est splendide, mais le jardin, lui, est à couper le souffle… », confie-t-elle avec émotion.
Un écho du Versailles de Louis XIV
Le château du Boschet, édifié entre 1660 et 1680, partage un héritage commun avec le château de Versailles, dont la construction coïncide avec la sienne. Il a été commandité par le vicomte Pierre de Lescouët, un courtisan de Louis XIV en charge des chiens de chasse du roi et grand chambellan de Philippe d’Orléans, frère du roi. L’architecte qui a supervisé les travaux reste inconnu. Érigé sur les ruines d’un manoir, le château du Boschet est l’œuvre d’un seul homme, ce qui explique son harmonie architecturale et son témoignage précieux de l’art de vivre au XVIIe siècle.
La disposition intérieure du château, fidèle à l’architecture de l’époque de Louis XIV, offre une vision parfaite des pièces en enfilade typiques de l’époque, similaires à celles de Versailles. En effet, pour des raisons de sécurité, le Roi Soleil avait choisi d’éliminer les couloirs dans ses résidences pour empêcher d’éventuels assassins de s’y cacher. Au Boschet cependant, la taille plus modeste du château a conduit à l’adoption d’une configuration particulière. Ici, le design architectural est centré autour d’un grand escalier situé au cœur du château, à partir duquel se déploient de vastes vestibules. Des espaces destinés à faciliter l’accès à toutes les pièces, autrefois appelées appartements. Il fut un temps question de restructurer les pièces, ce qui ne vit jamais le jour à cause de la Révolution française. Opportunité finalement, puisque les appartements visibles aujourd’hui sont d’origine. Les parquets Versailles, les boiseries Louis XV, les cheminées, les portes et les poignées n’ont pas bougé depuis le milieu du XVIIIe siècle.
« Le château est splendide, mais le jardin, lui, est à couper le souffle »
Une esthétique inspirée du Val de Loire
Contrairement aux constructions bretonnes environnantes, le château ressemble à une construction du Val de Loire, avec l’usage notable de pierre de tuffeau, un signe extérieur de richesse à cette époque. Cette pierre rappelle également l’héritage protestant de Monsieur de Lescouët, faisant référence au panache blanc du roi Henri IV. Les larges fenêtres, un trait commun aux constructions de l’époque du Roi Soleil, et d’autres caractéristiques architecturales, comme les fenêtres à guillotine et les gonds autour des fenêtres (indicatifs de grilles de protection autrefois présentes) confèrent à ce château sa singularité. La chapelle qui jouxte la bâtisse est consacrée et des messes peuvent donc s’y dérouler.
Une nuit au château
Trois chambres sont ouvertes au public pour séjourner au château. « Depuis le lancement de cette offre, les réservations affluent. Les clients sont ravis. Nous ne proposons pas de tables d’hôtes, en revanche un très beau petit déjeuner est servi. » Une des chambres porte le nom de Françoise Thérèse de la Roche, petite-fille de Pierre de Lescouët, bâtisseur du Boschet. Malgré un destin tragique marqué par un emprisonnement à la Bastille et un exil à Moulin suite à une accusation de complot contre Louis XV, la Marquise de la Roche reste une figure romantique, à la mode et éminemment élégante.
Une rénovation complète de la chambre du cardinal
La chambre du cardinal, baptisée ainsi en hommage au premier cardinal archevêque de Rennes dont la lignée a résidé au Boschet au cours du XIXe siècle, se présente comme une perle architecturale du château. Elle se caractérise par ses boiseries raffinées de style Louis XV qui sont actuellement en cours de restauration. La chambre, préalablement revêtue de peinture dorée, est en passe de retrouver son lustre d’antan grâce à un processus de dorure à la feuille d’or, un travail minutieux supervisé par la propriétaire actuelle, elle-même doreuse ornemaniste. Ce projet ambitieux comprend plusieurs phases délicates, allant du ponçage à l’application de la feuille d’or, en passant par l’apprêt et l’adoucissage. Il est à noter que c’est cette chambre, par sa singularité et sa beauté, qui a permis au château du Boschet d’être classé monument historique.
L’ambition du Boschet est d’accueillir des artistes
Des jardins à la française
Ce château a traversé deux guerres et malgré tout, les jardins à la française ont été conservés. Alors que beaucoup d’autres parcs ont été abandonnés ou transformés en jardins à l’anglaise, plus simple d’entretien. Benjamin Boisseau, paysagiste à temps plein du château, médaille d’or de meilleur apprenti du Bretagne 2022, « est une pépite pour le jardin, avec toujours plein d’idées. Il dorlote particulièrement la partie potager, dont nous sommes très fiers. »
« Je veux faire rentrer le Boschet dans le monde moderne »
Musique !
Faisant écho au célèbre château d’Hérouville, premier studio résidentiel en France qui a accueilli des légendes du rock comme Pink Floyd, David Bowie, Iggy Pop et Elton John pour enregistrer leurs albums, le château du Boschet s’ouvre lui aussi à la musique.« L’ambition du Boschet est d’accueillir des artistes pour l’enregistrement de leurs créations, à l’instar de Bruno Helstroffer, un ancien guitariste rock, et aujourd’hui virtuose du théorbe, une sorte de guitare en vogue sous Louis XIV.» souligne Bénédicte Truchard. « Il a récemment enregistré un album et tourné un clip au Boschet. Pour la petite histoire, dans la série télévisée « Versailles », c’est lui qui interprète le musicien du roi. »
Un festival pour faire rentrer le château dans le 21e siècle
Et Bénédicte Truchard est bien décidée à faire vivre son château et l’inscrire dans le présent. « Je veux faire rentrer le Boschet dans le monde moderne et ne pas en faire un vieux château du Moyen Âge avec un fantôme à chaque étage. » Le château accueille mariages et séminaires. En juin dernier, le domaine a même organisé son premier festival, le « Boschet Festival », un événement orienté rock et électro. « Mon ambition est de faire du château du Boschet une scène alternative pour les jeunes talents, un lieu vivant, attractif pour la jeunesse.
Ce sont eux qui m’intéressent ! Vous savez, c’est dans ce type de jardins à la française qu’on a commencé à faire la fête sous Louis XIV. » D’autres projets sont en préparation. Passionnée de costumes historiques, Bénédicte Truchard envisage de faire du château du Boschet un haut lieu des festivités du 17e siècle, à l’instar des « fêtes galantes » de Versailles. « Lorsque les gens viennent costumés, c’est magnifique, le lieu s’anime. J’ai prévu de mettre en place ce projet avec l’association Crinolines et Compagnie, basée à Pontivy. Nous organiserons notre première journée les 29 et 30 juin 2024. »
Incarnant une histoire riche tout en s’engageant dans la création contemporaine, le château du Boschet offre un bel exemple de la manière dont un patrimoine séculaire peut s’adapter au monde moderne. Sous l’impulsion de Bénédicte Truchard, le Boschet s’anime, trouvant son équilibre entre l’héritage du passé et l’élan de l’avenir.