Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Copex : un savoir-FER XXL

Récemment rachetée par le groupe belge Lefort, la Copex installée à Caudan (56) fabrique des presses-cisailles pour le monde entier. Ces mastodontes de plusieurs centaines de tonnes compactent et découpent l’acier et d’autres déchets solides, destinés à être recyclé. Un marché en pleine croissance qui ne connaît que peu de concurrents. La Copex possède donc un savoir-faire rare qu’elle entretient avec soin depuis 1948.

Victor Gomes, directeur du site de Caudan au sommet d'une presse-cisaille destinée à l'exportation ©7J-S. Mainguy

Victor Gomes, directeur du site de Caudan au sommet d'une presse-cisaille destinée à l'exportation ©7J-S. Mainguy

Implantée dans la zone industrielle de Kerpont à Caudan, au fond d’une impasse, la Copex ne paie pas de mine, du moins à l’extérieur. A l’intérieur, c’est un autre monde. Des ouvriers, lilliputiens, donnent naissance à des monstres d’acier. Ici, les bras des « Copexiens » sont des grues de 3 à 64 tonnes, les plaques d’aciers travaillées font jusqu’à 30 centimètres d’épaisseur et les vérins hydrauliques mesurent presque 7 mètres de haut. Des échelles gargantuesques nécessaires à la fabrication des « Copex », les presses-cisailles à ferrailles parmi les plus performantes du monde.

Jusqu’à 3500 composants assemblés

La Copex n’est pas seulement assembleur de ces imposantes machines, elle les conçoit et les fabrique entièrement dans ses locaux morbihannais, à l’exception des moteurs et des pompes.

Victor Gomes, directeur du site de Caudan ©7J-S. Mainguy

Victor Gomes, directeur du site de Caudan ©7J-S. Mainguy

« C’est un gigantesque jeu de Légo, dit Victor Gomes, le directeur d’exploitation du site. Nous assemblons pour les plus grosses machines jusqu’à 3500 composants. Mais tout est extrêmement pensé en amont, grâce à la conception par ordinateur et les simulations numériques. Même si la construction des presses-cisailles suit toujours le même principe, quelle que soit la taille de la bête, elles sont toutes différentes d’un client à l’autre. Chacun a ses exigences, la nature des produits compactés, la longueur (6, 8 ou 10 m), la force des vérins, l’ergonomie… »

120 à 130 tonnes de ferrailles à l’heure

 « réduire les volumes en hachant menu les matériaux, c’est optimiser la cargaison et rentabiliser au maximum les frais de transport. »

Pourtant tous ont le même objectif : réduire les volumes pour minimiser les coûts de transport ou de stockage. Que ce soit des ordures ménagères avant l’enfouissement, de l’acier avant recyclage, des fibres végétales destinées à l’export, etc. « Le transport est l’un des postes les plus coûteux pour les recycleurs à travers le monde, explique

Les "Copexiens" © Sonia Lorec

Les « Copexiens » © Sonia Lorec

Victor Gomes. Donc, réduire les volumes en hachant menu les matériaux, c’est optimiser la cargaison et donc, rentabiliser au maximum les frais de transport. » Cette recherche de rentabilité a entraîné mécaniquement une augmentation de la taille des « Copex ». La plus imposante des presses sorties de l’usine de Caudan pèse 500 tonnes et le plus gros vérin exerçe une force de 2 200 tonnes ! Une machine capable de traiter entre 120 et 130 tonnes de ferrailles à l’heure. Une première mondiale.

Au sortir de la guerre, un marché prometteur et lucratif

L’histoire de la Copex débute au sortir de la Seconde Guerre mondiale. En 1948, la Copex naît à Pont-Scorff des besoins de la réutilisation des fers à béton des constructions détruites par les bombardements. Le ferrailleur, Émile Le Guelennec, fait donc commerce du fer et invente même la pince crocodile. Ce Géotrouvetout de la ferraille travaille discrètement dans son coin. Mais il investit avec beaucoup de flair un marché prometteur et lucratif. « C’est à nouveau le cas aujourd’hui avec la hausse des coûts des matières premières, les recycleurs reviennent au 1er plan, témoigne le directeur. De plus en plus de gros cargos de ferrailles partent du port d’Anvers pour aller dans des fonderies à l’autre bout de la planète. L’étape du compactage est cruciale pour ces clients. »

Plus de 800 références à travers le monde

 « avec la hausse des coûts des matières premières, les recycleurs reviennent au 1er plan »

Dans les années 70, la Copex emménage dans l’usine actuelle : 40 000 m2 au total, 12 000 m2 dédiés à la fabrication, 200 m de long et 16 m de haut. La zone de Kerpont devient l’épicentre de l’industrialisation moderne et compétitive. Au fil des ans, la Copex résiste aux soubresauts de l’industrie made in France. Elle occupe une micro-niche et compte bien en profiter.

Victor Gomes, directeur du site de Caudan ©7J-S. Mainguy

Victor Gomes, directeur du site de Caudan ©7J-S. Mainguy

Elle conquiert peu à peu les plus grands pays et compte aujourd’hui plus de 800 références à travers le monde. « C’est un marché de niche mais un marché mondial, précise Victor Gomes. Nous sommes omniprésents en Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Grande Bretagne, Pays Baltes, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Suède, Suisse, Turquie…), et au grand export en Australie, au Moyen Orient (Arabie Saoudite, Oman, Qatar), aux USA, en Asie (Taiwan et Chine) et de façon plus anecdotique en Afrique (Algérie, Cameroun, Angola, Ouganda). »

81 salariés travaillent 24h/24

La société a réalisé jusqu’à 70% de son chiffre d’affaires à l’export, mais en temps normal, ce chiffre avoisine plutôt les 50%. Leader sur son marché, la société se porte très bien.

Victor Gomes, directeur du site de Caudan ©7J-S. Mainguy

Victor Gomes, directeur du site de Caudan ©7J-S. Mainguy

« Aujourd’hui nous sommes 81 et nous produisons 24h/24, souligne Victor Gomes. Nous exportons partout dans le monde depuis de nombreuses années et, nous venons de décrocher un nouveau marché pour 2 presses multi-matériaux destinées au compactage de de fibres végétales. L’optimisation des volumes ne concerne plus seulement la ferraille. Nous avons ouvert la voie à la réduction industrielle des volumes et cela semble séduire de plus en plus d’acteurs. »

4 à 5 machines assemblées en même temps

La ferraille est au centre des attentions des « Copexiens ». Dans des plaques d’acier ultraperformant de 12m de long et de 3m de large, les différentes pièces de la machine sont découpées par oxycoupage (18 000°C) ou au plasma pour les moins épaisses. Chaque pièce est ensuite identifiée très précisément en attendant d’être soudée ou assemblée. Pas le droit à l’erreur, surtout que 4 à 5 machines sont assemblées en même temps dans l’immense hall de montage. Les usineurs et soudeurs entrent ensuite en action avec une précision diabolique. Un travail qui exige un grand savoir-faire car les machines doivent résister aux chocs, à la compression, aux vibrations, à l’usure et à un cycle de vie d’environ 40 ans. Quand on travaille sur des machines de 300 tonnes et des pressions hydrauliques avoisinant les 350 bars, la moindre erreur serait catastrophique.

De 12 à 25 M€ de chiffre d’affaires à effectif constant

©7J-S. Mainguy

©7J-S. Mainguy

« Nos ouvriers sont des spécialistes qui possèdent un savoir-faire remarquable, reconnaît Victor Gomes. L’aspect humain est une chose à laquelle nous sommes très attachés à la Copex. Si nous avons réussi à passer de 12 à 25 M€ de chiffre d’affaires à effectif constant, c’est grâce à eux et à leur exemplaire motivation. Durant la période Covid, nous sommes restés en activité et même les représentants du personnel ont fait des efforts (rire). Les clients ressentent l’investissement de chacun d’entre nous et y sont très sensibles. Avec la qualité de nos produits, c’est ce qui nous différencie de nos concurrents. »

Des machines très, très encombrantes

La dernière livraison en Belgique concernait un « colis » de 442 tonnes. Une machine tellement imposante qu’elle fut conçue en 16 modules à assembler sur place. Le transport a nécessité 16 camions et pris 7 jours. Les logisticiens de la Copex ont du étudier avec soin les itinéraires routiers offrant des capacités maximales de circulation pour arriver à bon port.

« connaissant la famille Lefort depuis mes débuts, j’avais apprécié les solutions techniques proposées par leur entreprise ainsi que leurs méthodes de travail »

Le Belge Lefort rachète son concurrent français la Copex

Les valeurs de l’entreprise ne sont pas étrangères au rachat par le groupe belge Lefort en juillet 2023. Un rapprochement opéré sous la houlette de l’ancien dirigeant et actionnaire majoritaire, Frédéric Malin, qui souhaitait fortement cette acquisition : « Depuis que j’ai pris la tête de l’entreprise, j’y ai consacré toute mon énergie et ma passion. Aujourd’hui, associer le destin de mon entreprise à celui du groupe Lefort est un formidable aboutissement. Connaissant la famille Lefort depuis mes débuts dans la profession, j’avais apprécié les solutions techniques proposées par leur entreprise ainsi que leurs méthodes de travail fondées sur l’honnêteté, le respect et l’intégrité. Des valeurs fondamentales qui m’ont toujours guidé. Je peux donc leur passer le flambeau sereinement. »

Une énorme force de frappe commerciale

A la suite de ce rachat dont le prix reste confidentiel, Fawaz Ezzat, qui occupait depuis 2016 le poste de directeur général de Lefort France, reprend la direction générale de Copex (voir ITV ci-contre). Avec cette acquisition, le groupe Lefort renforcé comptabilisera 300 personnes et génèrera un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros. Et chaque marque aura sa spécificité avec un objectif affiché de complémentarité. « Lefort nous offre l’énorme force de frappe commerciale qui nous manquait, insiste Victor Gomes. Je suis très content de ce rachat qui nous laisse sur de bons rails et nous permet d’honorer un carnet de commandes plein jusqu’en 2025. »

 

Entretien avec Fawaz Ezzat, directeur général du groupe Copex Lefort, : « nous devenons un acteur incontournable du secteur»

« Nos deux marques sont nées à la suite de la Seconde Guerre mondiale et ont toujours su rester indépendantes. Nous occupons un marché spécialisé assez confidentiel mais depuis l’acquisition, nous devenons un acteur incontournable du secteur. Nous travaillons ensemble à l’optimisation des volumes de transports et, c’est là notre principale valeur ajoutée. En densifiant la ferraille ou les déchets, nous optimisons les processus du recycleur à l’aciérie.

Nous avons bien sûr de la concurrence mais nous sommes plus préoccupés à développer et pérenniser notre savoir-faire qu’à y attacher de l’importance. Nous étions nous-mêmes concurrents avant le rachat, mais nous nous sommes toujours respectés car nous partageons des valeurs d’exemplarité et de travail bien fait.

Le marché de la ferraille est censé doubler d’ici 2050 

Dorénavant, plus de concurrence mais de la complémentarité. Lefort et Copex se répartiront les productions, des machines monoblocs de 90 t aux machines multi-blocs de 400 t. Nous voulons garder le meilleur des deux mondes pour fabriquer des super machines. Un tournant que nous avons hâte de prendre car le marché de la ferraille est censé doubler d’ici 2050. Pour répondre à la demande, nous sommes toujours en phase de recrutement de toutes sortes de profils en nombre suffisant : magasiniers, dessinateurs, usineurs, soudeurs… Cela nous permettra de sécuriser nos marchés actuels et de moderniser l’outil de production. Les budgets d’investissement sont actuellement à l’étude. »