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Crédit à la consommation : entre responsabilités et protection

Créés il y a 80 ans, les crédits à la consommation ont connu des évolutions au fils des décennies et des lois, afin d’encadrer les conditions d’octroi et de remboursements. Une nouvelle directive du Parlement et du Conseil européen d’octobre 2023 va à nouveau modifier la législation française. Tour d’horizon de cet outil financier.

Anne Daugan, avocate au barreau de Rennes

Anne Daugan, avocate au barreau de Rennes

Les incertitudes économiques, la hausse inédite des taux d’intérêt, l’inflation croissante et le renforcement des critères de sélection ont entraîné la première baisse de l’encours des crédits à la consommation – après un rebond post-Covid. Ainsi, les prêts personnels ont chuté de 27,8 % au second trimestre 2023 sur un an. Sur l’année 2023, le crédit à la consommation aurait baissé de 1,4 %, une première en 10 ans.

Avantages et Inconvénients du Crédit à la Consommation

Néanmoins, les Français ont recours à ce crédit du fait de :

  • Accessibilité: il permet aux consommateurs d’accéder rapidement à des fonds pour faire des achats importants tels que des voitures, des appareils électroménagers, etc.
  • Souplesse: il offre des options de remboursement flexibles, ce qui permet aux emprunteurs de choisir la durée et le montant des versements qui correspondent le mieux à leur situation financière.

En revanche, il présente certains inconvénients :

  • Des taux d’intérêt élevés, ce qui peut augmenter considérablement le coût total du crédit pour les emprunteurs.
  • La tentation de dépenser sans tenir compte de ses capacités financières, et augmenter ainsi son endettement.

Les Évolutions Législatives

Le crédit à la consommation est apparu au 20e siècle sous l’impulsion des grands magasins et notamment la SAMARITAINE. C’est après la Première Guerre mondiale que les premiers établissements financiers spécialisés sont apparus à l’initiative de constructeurs automobiles.

C’est après la Seconde Guerre mondiale et avec l’essor de la société de consommation que s’est développé le crédit à la consommation avec l’apparition de SOFINCO et CETELEM.

C’est enfin à partir des années 60 que les établissements bancaires ont accordé des prêts à leurs clients pour financer leurs achats de consommation.

Avant la loi du 10 janvier 1978 dite SCRIVENER 1, le crédit à la consommation était uniquement soumis aux règles du droit commun du prêt prévu par le Code civil. Les différentes législations intervenues ensuite, françaises et communautaires, ont eu pour but de protéger les consommateurs : la loi du 10 janvier 1978 a institué cette protection.

La directive européenne 2008/48/CE du 23 avril 2008 a été transposée en droit français par la loi LAGARDE n° 2010-737 du 1er juillet 2010, suivie de la loi HAMON n° 2014-344 du 17 mars 2014 qui ont renforcé cette protection.

La directive européenne de 2008 n’ayant pas réussi à garantir des normes élevées en protection des consommateurs, ni favorisé le développement d’un marché unique de crédit, une nouvelle directive 2023/2225 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023, relative aux contrats de crédit à la consommation, a abrogé la directive de 2008 avec pour objectif de faire bénéficier les consommateurs d’un niveau élevé de protection, en intégrant au crédit à la consommation les petits crédits de moins de 200 € et le paiement fractionné.

Les États membres devront adopter et publier, au plus tard le 20 novembre 2025, les dispositions législatives réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive et l’application concrète des mesures devra intervenir au plus tard le 20 novembre 2026. Une nouvelle législation française devrait donc intervenir.

Les 4 types de Crédits

Le crédit à la consommation est régi par les articles L312-1 à L311-95, D312-1 à R312-35 du code de la consommation et peut être défini comme un crédit accordé par un établissement financier à un particulier agissant à des fins non professionnels et hors crédit immobilier.

Il existe 4 grands types de crédit :

  • les crédits classiques (affectés ou non)
  • les crédits renouvelables
  • les crédits découverts
  • les locations financières (location-vente ou location avec option d’achat)

👉 Les règles protectrices du code de la consommation vont s’appliquer pour les prêts de 200 à 75 000 € dont la durée est supérieure à 3 mois.

Le relèvement de ce montant, qui était auparavant de 21 500 €, a été voulu par la loi LAGARDE pour soumettre le plus possible de prêts à ces règles.

Lors de l’entrée en crédit, le code de la consommation a mis à la charge des prêteurs plusieurs obligations : vérifier la solvabilité de l’emprunteur, consulter le fichier FICP qui recense les incidents de remboursement sur les crédits aux particuliers, la remise obligatoire d’une fiche de dialogue et d’information précontractuelle décrivant les caractéristiques du contrat pour permettre au consommateur de comparer et d’appréhender l’étendue de son engagement.

L’offre de crédit doit être maintenue au moins pendant 15 jours. Le crédit à la consommation doit également répondre à un certain formalisme.

Outre le fait qu’il doit contenir de manière précise des informations sur l’identité et l’adresse du prêteur et de l’emprunteur, le type de crédit, le montant du crédit, les conditions de mise à disposition des fonds, la durée du contrat, le montant, le nombre et la périodicité des échéances, il doit faire apparaître le taux annuel effectif global.

Le délai de rétractation pour ces crédits a été en 2010 allongé de 7 à 14 jours pour permettre une plus longue réflexion par l’emprunteur.

Pour faciliter d’ailleurs cette rétractation, le contrat de crédit doit comprendre un bordereau détachable de rétractation qu’il suffit de remplir et de retourner.

Pour renforcer l’information et la compréhension de l’emprunteur et la lisibilité du contrat, les informations essentielles de ce contrat doivent figurer dans un encadré au début du contrat et en première page.

Ce formalisme rigoureux va jusqu’à prévoir la taille de la police qui ne peut être inférieure à celle du corps 8 soit environ 3 mm.

La loi encadre également la publicité pour empêcher les pratiques agressives et les informations confuses. Toute publicité doit, à l’exception des publicités radiodiffusées, contenir la mention suivante : un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager.

La Responsabilité Financière

Même si la loi met à la charge du prêteur l’obligation de se renseigner sur les capacités financières de l’emprunteur, cette publicité met l’accent sur l’importance de la responsabilité financière et encourage les emprunteurs potentiels à réfléchir attentivement avant de contracter un crédit.

Sans l’indiquer explicitement, elle sous-entend que l’absence de remboursement d’un crédit peut entraîner des conséquences financières.

Néanmoins, en cas de risque d’endettement, c’est au prêteur qu’il appartiendra de démontrer qu’il a respecté son obligation d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur. La législation a souhaité par ailleurs rendre les cartes de fidélité plus responsables. À cet égard elle a prévu que le paiement en comptant sera activé en priorité.

La loi Lagarde et la loi HAMON ont été particulièrement attentives au crédit renouvelable, appelé communément « crédit revolving », justifiant les nouvelles mesures par l’impact du crédit renouvelable sur le surendettement.

Cette solution de financement consiste à mettre à la disposition de l’emprunteur une somme d’argent prédéfinie, utilisable comme bon lui semble pour financer ses projets ou pallier une difficulté financière passagère.

La différence avec le crédit amortissable réside dans le fait que chaque remboursement renouvelle la somme que l’on peut emprunter.

⚠ Le danger de ce crédit est qu’il peut être utilisé de manière excessive, les fonds étant disponibles en permanence, de sorte qu’il peut être tentant de continuer à emprunter sans veiller à sa capacité de remboursement. Par ailleurs, les taux d’intérêt de ces crédits peuvent être beaucoup plus élevés.

Afin de renforcer la protection de l’emprunteur, la loi LAGARDE a mis fin au crédit qui ne se rembourse jamais : chaque échéance d’un crédit renouvelable doit comprendre un remboursement minimum du capital emprunté.

La loi HAMON a renforcé l’obligation de proposer un crédit amortissable en alternative à toute offre de crédit renouvelable au-delà de 1000€.

Elle a instauré une suspension des contrats de crédit renouvelable qui ne font l’objet d’aucune utilisation pendant un an puis leur résiliation un an après s’ils ne sont pas réactivés par l’emprunteur. Enfin, le prêteur doit informer mensuellement l’emprunteur du montant du capital restant à rembourser.

Les Contentieux du Crédit à la Consommation

Concernant l’exécution du contrat, l’emprunteur est tenu de payer les échéances du crédit jusqu’à son terme. Il peut aussi rembourser ce crédit à la consommation par anticipation, en partie ou en totalité.

Depuis la loi Lagarde, l’emprunteur peut être amené à payer au prêteur une indemnité de remboursement par anticipation qui ne peut, sauf exception, dépasser 1% du montant du crédit lorsque le montant du remboursement anticipé est supérieur à 10 000€ sur une période de 12 mois.

En cas de défaillance de l’emprunteur, la loi prévoit la possibilité pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme, ce qui lui permet de demander à l’emprunteur de rembourser la totalité des sommes restant dues.

Le contentieux du crédit à la consommation est de la compétence exclusive du Juge des Contentieux de la Protection. Le prêteur, s’il veut recouvrer sa créance, doit agir dans un délai de 2 ans à compter de l’événement qui lui a donné naissance, souvent la date du premier incident de paiement non régularisé.

En cas de non-respect des obligations mises à sa charge, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, voire encourir des sanctions pénales.

Reports d’Échéances et Difficultés de Remboursement

En cas de difficulté de remboursement, il est possible de solliciter du prêteur des délais de paiement ou des reports d’échéances que ce dernier peut refuser.

Si un contrat d’assurance emprunteur a été signé pour prendre en charge le paiement du crédit, il convient d’actionner ce contrat d’assurance.

Pour obtenir des délais de grâce, un emprunteur peut également faire appel au Juge des Contentieux de la Protection qui peut reporter le paiement des mensualités, ou échelonner le remboursement du prêt pour une durée maximale de 2 ans.

Un emprunteur peut également déposer un dossier de surendettement devant la commission de Banque de France.

 

Par Anne Daugan, avocat au barreau de Rennes