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Groupe Envie : serial restaurateurs

Avec plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, le groupe Envie, codirigé par Tieck Thipthiphakone et ses deux sœurs, Amone et Miky, c’est une ouverture de restaurant tous les ans depuis 2007. L’histoire familiale a débuté à l’initiative de Tieck, surnommé depuis le serial restaurateur. Rencontre avec ces trois frères et sœurs soudés, au sein même d’un de leurs restaurants bien connu des Rennais : Avec&co.

Miky, Tieck et Amone Thipthiphakone, codirigeants du groupe Envie ©StudioCarlito

Miky, Tieck et Amone Thipthiphakone, codirigeants du groupe Envie ©StudioCarlito

« Des woks à Chicago »

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Né à Rennes, Tieck Thipthiphakone a toujours aimé la restauration. Pourtant, c’est par hasard que ce serial restaurateur, pas fan des études avec son « niveau bac », s’est dirigé vers ce domaine. « À mes 18 ans, je suis allé vivre un an aux États-Unis, à Chicago, pour travailler dans les restaurants de woks de ma grande sœur, Fone Thipthiphakone. J’ai appris le métier là-bas. Aux États-Unis, le management est très gradé. J’ai commencé en tant que « bus boy », nettoyer la salle, débarrasser les tables, etc. Puis, je suis passé « runner », « host », serveur, et j’ai « volé » ma formation pour passer cuisinier. J’ai profité du manque de cuisiniers pour montrer ce que je pouvais faire. » Il apprend aussi beaucoup du management.

Pendant les vacances, Miky Dhellin-Thipthiphakone investit aussi les services des restaurants de la grande sœur. Quant à Amone Thipthiphakone, elle n’arrive que plus tard. « Quand il est revenu, en 2007, Tieck a décidé d’ouvrir un restaurant à Rennes. Le business s’est développé et la présence d’une personne pour le côté administratif-juridique-finances était nécessaire. C’est là que j’ai fait mon entrée, à l’ouverture du magasin familial, Piment Rouge à Cesson », évoque Amone, alors que l’entreprise familiale est en plein essor. « Au départ, nous souhaitions, avec nos ex-conjoints associés, créer une chaîne de restauration wok, c’était la grande mode des franchises à ce moment-là et il n’y avait pas beaucoup de restaurants asiatiques à Rennes, c’était assez simple d’avoir le monopole. Nous avions donc ouvert un Wok à Rennes et un à Nantes. » Le développement en province n’est pas si simple, avec notamment des difficultés d’accès aux produits asiatiques. « Rennes, il y a 15 ans, ce n’était pas du tout la grande ville que nous connaissons maintenant. Nous avions envie de faire plus, sauf que la clientèle était très restreinte : tout le monde ne voulait pas manger de poisson cru ou des woks à l’époque… Donc nous avons élargi nos offres au-delà de l’asiatique. » De plus, former le personnel en cuisine nécessitait beaucoup plus de temps et d’énergie également, « faire des makis et un burger, ce n’est pas du tout pareil », précise Amone.

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Dans la famille Thipthipakone, je demande…
Les frères et sœurs ont chacun un prénom français et un prénom lié à leurs origines (Thaïlande, Laos et Chine).

-L’aînée, installée aux États-Unis, Julie aka Fone Thipthipakone ;
-La seconde en charge de l’administratif-juridique et comptable Laure aka Amone Thipthiphakone ;
-La femme de terrain, Caroline aka Miky Dhellin-Thipthiphakone, directrice d’exploitation ;
-Le cadet, Jacques aka Tieck Thipthipakone ; en charge du développement.

Le groupe Envie gère 3 restaurants, Avec & co, Whitefields et TukTukMum, pour un total de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires

La scission familiale

Dès 2014 déjà, « avec les associés, nous n’avions pas les mêmes visions de développement. Je voulais arrêter les Woks et me tourner vers le concept américain de « sport bar », pour nous ouvrir à une nouvelle clientèle. Nous avons donc tout renouvelé, en acceptant l’idée que le temps et l’énergie que nous avions mis dans le développement de cette chaîne étaient vains. » Après cela, Tieck et ses associés s’orientent plutôt sur un système de restaurant à identité propre, « selon le quartier et la concurrence ».
Malgré les apparences, le Covid n’a pas été la plus grosse crise à laquelle ont dû faire face les trois frères et sœurs ces dernières années. « Les changements économiques ne nous ont pas touchés. Par contre, nous avons dû faire face à une restructuration juridique », évoque Amone. Jusqu’ici associés avec leurs conjoints, des séparations marquent une scission. « Nous avons réparti les entreprises et vendu deux restaurants à l’extérieur. » De 9 restaurants et 6 associés (dont deux sleeping partners), l’entreprise passe à 3 restaurants et 3 associés.

« Crise sur crise »

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Ces dernières années, « nous avons enchaîné crise sur crise. Nous faisons face à une instabilité depuis 2017, déjà avant le Covid », évoque Tieck. Un changement notamment lié aux évolutions des modes de consommation. « Quelque temps avant le Covid déjà, nous avons décidé de ne plus proposer de service à table, un changement dû en grande partie au recrutement difficile. Internet a aussi beaucoup fait changer les comportements des consommateurs, les concepts sont allés de plus en plus vite. » Une adaptation sans faille pour résister face aux difficultés. « Il faut aller chercher d’autres solutions : comment faire consommer des personnes différemment, donner envie aux jeunes de travailler dans la restauration… Nous avons essayé de nous mettre à la place du client », ajoute Miky.

Deux autres ouvertures sont d’ores et déjà prévues : une au printemps-été et une autre à l’hiver 2024

17 ouvertures en 17 ans

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Le groupe Envie gère aujourd’hui 3 restaurants, Avec & co, Whitefields et TukTukMum, pour un total de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires avec toutes les structures. Un quatrième, « accompagné dans la gestion », le Wok, est propriété du conjoint de Miky. 120 personnes complètent l’effectif.
Comment garder le cap quand beaucoup de restaurants ont du mal à se maintenir ? Pour Amone, « ce sont des cycles, il faut toujours continuer à créer des projets pour aider la situation à s’améliorer. » Et pour chaque projet, « nous cherchons des charges fixes. Si le loyer et le coût de l’acquisition sont déjà trop chers, nous ne regardons même pas. Il faut maîtriser les coûts, même si nous sommes conscients que c’est trois fois plus cher qu’il y a 10 ans », ajoute Tieck. Si les entrepreneurs ont un conseil à donner aux autres restaurateurs, c’est « être capables de s’adapter surtout, car tout change très vite en restauration ».
L’adaptation, la famille Thipthipakone connaît bien. « On aime autant les échecs que les réussites, car cela nous pousse. Depuis 2007, nous avons fait une ouverture quasiment tous les ans, soit 17 en 17 ans. » Pour cela, il faut être à l’aise avec les concurrents : « Nous n’avons pas de conflits avec les autres restaurateurs. » Et innover, notamment avec des partenariats : l’Open Blot ; Régie Radio « quand les artistes ont besoin de faire des shows case dans nos établissements on n’hésite pas » ; il y a quelques années le tour de France du présentateur Camille Combal pour l’émission The Voice, « ça nous a fait une grosse pub ».

Un restaurant-bar-ciné ouvre dans 1 mois

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« Nous voulons récupérer notre vitesse de croisière. » Et cela, avec des ouvertures de restaurants. Cette année, un petit nouveau fait son apparition dans la métropole rennaise, le Saint-Jacques café, un restaurant-bar-ciné . Ouverture prévue fin octobre. « Nous avons repris un restaurant interentreprises qui appartenait au Crédit Agricole à la Courrouze. 800 m2 de surface, dont la salle de 500m2 et une terrasse. Ce sont de grosses proportions avec lesquelles nous aimons bien travailler maintenant. » Une trentaine d’embauches sont déjà en cours. Pour les faciliter, le site internet a récemment été créé.
Deux autres ouvertures sont d’ores et déjà prévues : une au printemps-été et une autre à l’hiver 2024, mais « nous n’allons pas tout dévoiler… »
À l’aise avec le terme de serial restaurateur ? Réponse de Tieck : « Le serial killer est passionné par ses meurtres, moi je suis passionné par mes ouvertures de restaurants. Et je ne compte pas m’arrêter. »

BONUS
Votre endroit préféré ?
T.T : La Thaïlande ! Un pays très libre, très éclectique, sans jugement. D’ailleurs, j’aimerais ouvrir des restaurants là-bas.
A.T : Pornic, que j’ai découvert grâce à mon conjoint.
M.T : N’importe où, tant que je suis avec mes personnes préférées.

Une musique préférée ?
T.T : Kanye West, Ni**as In Paris, très entraînante. Ou The Next Episode de Dr Dre, tout est dans le nom.
A.T : Je n’en ai pas en particulier, il faut juste que la chanson me crée de l’émotion.
M.T : L’univers hip-hop, Rn’B, des années 1990-2000. I Got A Feeling des Black Eyed Peas.

Votre prochain voyage ?
T.T : Le Japon, dans quelques semaines. Pour découvrir cette culture, mélange entre le côté hyper strict et débridé, je veux voir ça avec mes enfants.
A.T : Il y en a beaucoup, le principal c’est de faire plaisir à mes enfants, Japon, Mexique, Brésil et USA.
M.T : Je reviens de la Drôme provençale, très reposant, pour se ressourcer.

Votre plat préféré ?
T.T : Basique, riz/poulet, façon Thai.
A.T : La soupe Pho, d’origine vietnamienne, sinon je suis très pâtes aussi.
M.T : La cuisine laotienne, le riz gluant, les salades bien épicées avec des sauces piquantes.

Un mantra ?
T.T : Une citation de Charles Darwin : « Ce n’est pas le plus fort de l’espèce qui survit, ni le plus intelligent. C’est celui qui sait le mieux s’adapter au changement. »
A.T : Il y a des hauts et des bas, tu n’as pas le choix, tu y vas.
M.T : Je me dis toujours, si tu n’essaies pas, tu ne sauras pas.

Une activité préférée ? 
T.T : Voyager, bien sûr.
A.T et M.T : Danser, pour se défouler.

 

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Compliqué de travailler en famille ?
Pour Amone, « tout le monde vous dira que oui. Parce que chaque personne est unique et a sa propre personnalité. Ce qui fait notre force, ce sont nos valeurs humaines et familiales que nous voulons transmettre à nos enfants. » « Il faut savoir différencier le pro du perso », ajoute Miky. Tieck, lui, « ne trouve pas que ce soit compliqué. Si ça l’était, nous ne serions pas restés à travailler 17 ans ensemble ! »