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Les aéroports bretons dans le viseur de la Chambre régionale des comptes

La Chambre régionale des comptes (CRC) de Bretagne s’interroge sur la rentabilité des aéroports bretons. Dans le cadre d’un travail concerté avec la Cour des comptes, la juridiction a étudié les spécificités du modèle économique des aéroports de Rennes, Dinard, Quimper, Brest et Lorient, ainsi que les principaux défis auxquels les propriétaires et les exploitants sont confrontés. Synthèse.

Aéroport de Lorient

Vue sur le tarmac de l'aéroport de Lorient ©Aéroport de Lorient

Ce n’est pas la première fois que la juridiction financière se penche sur le cas des aéroports régionaux, à vocation commerciale. Si Rennes et Brest tirent leur épingle du jeu – elles ont accueilli à elles deux 90 % des passagers en 2019 et 98 % en 2021 – la situation des trois autres est bien plus fragile.

En 2022, l’aéroport de Rennes a accueilli 643 304 passagers. Celui de Brest, 801 854.

Des petites plateformes fragiles

La CRC souligne le faible pouvoir de négociation commerciale des exploitants vis-à-vis des compagnies aériennes, en particulier pour les trois plateformes moins attractives, Dinard, Quimper et Lorient. «Cette dépendance est encore accrue par l’essor des compagnies à bas coût, qui sont tentées de mettre en concurrence les plateformes et les dispositifs d’aide. » D’ailleurs, Ryanair s’est désengagée des aéroports de Dinard en 2021 et Brest en 2022. Elle assurait respectivement 99 % et 19 % du trafic commercial. « La plateforme de Dinard ne s’en est commercialement pas relevée », précisent les magistrats financiers. Celle de Lorient n’a quasiment plus d’activité commerciale.
Dans un rapport national, la Cour des comptes a souligné la fragilité structurelle des aéroports intermédiaires, soit 41 plateformes en France accueillant entre 10 000 et 3 millions de passagers commerciaux en 2019. « Les recettes des aéroports ne sont pas suffisantes pour équilibrer les comptes des plateformes aéroportuaires ; en deçà de 700 000 passagers par an, l’équilibre d’exploitation est rarement atteint sans recours à un financement public. »

La dépendance aux aides publiques

En Bretagne, sur la période 2017-2021, si les cinq plateformes bénéficient relativement peu de subventions publiques d’exploitation, elles se sont vues octroyer près de 12 millions d’euros au titre de l’investissement. S’y ajoutent près de 6 millions d’euros pour pallier les conséquences de la pandémie.
Pour Quimper et Lorient, un soutien de l’État est apporté à travers la taxe d’aéroport, majorée. L’appui financier a été augmenté, sous forme d’avances, après la crise sanitaire et à la chute du trafic aérien. « Cette dette accumulée sera difficile à rembourser, sauf en envisageant une augmentation des tarifs.  »
Dans le cadre d’une obligation de service public, des aides sont aussi attribuées aux compagnies desservant des territoires considérés comme enclavés. C’est le cas de la ligne Quimper-Orly. « L’efficience de ces aides apparait très dégradée, avec un taux de remplissage à hauteur de 30 % en 2020 et de 33 % l’année suivante ; le montant de l’aide publique par passager était de 359 € en 2020 ; il atteint 648 € en 2021. »

Une stratégie aéroportuaire interrégionale

La CRC souligne « les limites d’une stratégie aéroportuaire monorégionale : alors que l’aéroport de Nantes est proche de la saturation, sa fréquentation bretonne s’établit à hauteur de 25 % » et juge « pertinente l’élaboration d’une stratégie interrégionale. » Par ailleurs, la juridiction épingle l’impact environnemental du transport aérien, en concurrence avec les trajets ferroviaires permis par la LGV.

En Bretagne, la densité aéroportuaire est 2 fois supérieure à la moyenne nationale : 680 000 Bretons desservis par aéroport versus 1 329 412 en France métropolitaine.

Qui sont les gestionnaires des aéroports bretons ?

Les plateformes de Rennes, Dinard, Brest et Quimper sont propriété de la région Bretagne ; celle de Lorient, militaire et civile, appartient à l’État.
Brest et Quimper : depuis 2017 et pour 20 ans, la Région Bretagne a confié l’exploitation des aéroports Brest Bretagne et Quimper Bretagne à la SAS Aéroports de Bretagne Ouest (ABO) et sa filiale, la SAS Aéroport De Cornouaille (ADC).
Rennes et Dinard : l’exploitant des aéroports de Rennes et de Dinard, jusqu’en 2024, est la Société d’exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (Seard). Taux de détention : 51% CCI 35 et 49% Vinci Airports.
Lorient : depuis 2022 et pour 5 ans, Edeis est le gestionnaire majoritaire de l’Aéroport de Lorient Bretagne Sud.