« L’arbre, le droit, le maire et l’intérêt général »
Me Raphaële ANTONA TRAVERSI, Avocat Associé, Cabinet Coudray
L’arbre est un sujet de droit.
Il a longtemps été majoritairement appréhendé sous l’angle de la propriété et de l’exploitation.
Aujourd’hui, les services écosystémiques et socioculturels multiples qu’il procure conduisent, dans un contexte de réchauffement climatique et d’effondrement de la biodiversité au déploiement de nombreux dispositifs juridiques de protection au bénéfice de la fonction environnementale de l’arbre et de l’intérêt général.
Le maire est à l’initiative de certains de ces dispositifs.
Une fois le patrimoine arboré répertorié et évalué, avec en complément, le cas échéant, la réalisation d’un atlas de biodiversité communale (ABC)1, le code de l’urbanisme lui permet de protéger, via le PLU, en particulier, différents types d’arbres : isolés ou groupés (espaces boisés classés, trame verte), remarquables ou « communs ». Si cette protection n’est pas absolue, elle n’en reste pas moins très efficace. Le PLU s’avère, en outre, un efficace vecteur en faveur de la plantation d’arbres2.
Le maire peut également proposer à son conseil d’approuver une charte et un barème3 de l’arbre. Outils de « soft law », ils permettent de sensibiliser les habitants à la valeur des arbres, se prémunir des atteintes et obtenir réparation en cas de dégradation.
Le maire veillera également au respect du régime de protection des allées d’arbres et d’alignement d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique prévu par l’article L. 350-3 du code de l’environnement, tout récemment réformé4.
« Comment optimiser la commande publique ? »
Me Marie BERREZAI et Me Tanguy MOCAER, Avocats Associés, Cabinet Coudray
Optimiser la commande publique a pour objectif principal de tendre vers un achat performant et efficient. Un objectif qui pourra être atteint par une bonne définition du besoin également appelée “sourcing”. Les collectivités locales doivent, sans crainte, effectuer les études de marché, solliciter des avis et même consulter des entreprises pour connaître les procédés techniques existants, les innovations proposées et les prix du marché. Une bonne définition du besoin permettra, ainsi, aux collectivités locales de préciser leurs attentes, leurs objectifs, leur planning et de sélectionner des entreprises sur la base de critères de sélection précis et objectifs.
Optimiser la commande publique, c’est aussi rédiger les clauses des cahiers des clauses administratives particulières. Si les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) applicables prévoient de solides obligations, les collectivités locales peuvent prévoir et encadrer les conditions de rémunération de travaux supplémentaires, les réclamations … Les modalités de révision des prix peuvent aussi faire l’objet d’adaptation afin d’anticiper une éventuelle paralysie des chantiers ou des commandes à réaliser.
Un cahier des clauses administratives particulières adapté aux spécificités du marché ou des contraintes des collectivités ne suffit pas pour garantir un achat public efficace et performant. Les collectivités locales doivent pouvoir assurer le suivi de l’exécution du marché public. Pour ce faire, elles doivent disposer des moyens et du savoir-faire nécessaire au suivi des prestations de manière régulière. Elles peuvent également mettre en place des outils ou des processus collaboratifs tels que le BIM. Ces logiciels permettent de maîtriser l’évolution du chantier, de maîtriser les coûts et les risques et d’optimiser les ressources.
Le marché public achevé, les collectivités locales doivent systématiquement effectuer un bilan associant le service achat, les services techniques et, le cas échéant, les entreprises concernées afin d’identifier les axes de progrès et réduire les risques sur les prochaines opérations.
« Le maire face aux conflits d’intérêts : connaître et prévoir pour se protéger »
Me Sophie GUILLON COUDRAY, Avocat Associé, et Me Ludovic DUFOUR, Avocat senior, Cabinet Coudray
Il ne se passe quasiment plus une semaine sans que les médias ou les réseaux sociaux ne se fassent l’écho de conflits d’intérêts, réels ou supposés, de la part de responsables publics et
particulièrement d’élus locaux. Or, dans de nombreux cas, ces situations révèlent plus une méconnaissance des règles et un manque de vigilance qu’une réelle malhonnêteté. C’est pourquoi il est indispensable de connaître les règles en matière de conflit d’intérêts, l’application qu’en font les juges et les moyens dont les élus disposent pour se protéger.
La loi définit le conflit d’intérêts comme toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. Il est sanctionné pénalement via le délit de prise illégale d’intérêt, puni de 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende.
L’intérêt peut être matériel (bien immobilier, parts dans une société…) ou moral (politique, amical…), direct ou indirect (via le conjoint ou les enfants, en particulier), présent ou passé (ancien employeur…). L’interférence avec l’intérêt public doit revêtir une certaine intensité, mais il n’est pas nécessaire qu’elle ait effectivement influencé le décideur public : il suffit qu’elle fasse légitimement douter de son objectivité, impartialité et indépendance.
Se prémunir contre ce risque inhérent à l’action publique passe d’abord par une identification de ses liens d’intérêts (professionnels ou bénévoles, personnels ou ceux des proches). Lorsque survient un conflit d’intérêts, le déport s’impose, qui implique de se retirer totalement du dossier.
« Le ZAN »
Par Me Jean-Franck CHATEL, Avocat Associé, Cabinet Coudray
Le ZAN « Zéro artificialisation nette » : décryptage des mesures phares de mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols dans le cadre de la proposition de loi adoptée par les deux chambres en commission mixte paritaire le 6 juillet 2023
L’article 194 de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a prévu une mise en œuvre progressive du ZAN : une première étape consiste à réduire de moitié le rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021, avant d’atteindre la neutralité d’artificialisation des sols à l’horizon 2050.
Depuis son adoption, de nombreux élus ont relayé les difficultés liées à la mise en œuvre de ce dispositif et leurs inquiétudes liées à une méthode qu’ils qualifient de « descendante ».
La proposition de loi initiée par le Sénat et adoptée le 27 juin 2023 à l’Assemblée nationale vise à faciliter la mise en œuvre des objectifs du ZAN et s’articule initialement autour de « quatre murs porteurs » selon les propos de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique.
Le texte de compromis issu de l’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat le 6 juillet 2023 repose sur trois apports majeurs :
Une enveloppe d’un hectare garanti par commune afin d’assurer « un droit au projet »
La « garantie rurale » introduite par les sénateurs vise à autoriser chaque commune à artificialiser un hectare d’ici à 2030. Cette garantie sera applicable à l’ensemble des communes (peu importe qu’elle soit dotée ou non d’un document d’urbanisme) sans condition de densité.
Les communes pourront mutualiser ces surfaces entre elles ou à l’échelle intercommunale, après avis de la conférence des maires.
L’accélération de l’implantation des projets de développement concourant à la transition écologique
Les grands projets d’aménagement, d’infrastructure ou d’équipements d’envergure nationale ou européenne (lignes ferroviaires à grande vitesse, opérations intéressant la défense ou la sécurité nationale, établissements pénitentiaires, travaux déclarés d’intérêt public, projets industriels d’intérêt majeur…) seront décomptés d’un forfait national de 12 500 hectares (initialement 15 000 hectares) pour la décennie 2021-2031 sur les 125 000 hectares artificialisables. Le solde sera réparti entre les régions en fonction d’un coefficient de péréquation).
En cas de désaccord sur la liste des projets d’envergure nationale, une commission régionale de conciliation est instituée afin de régler le différend à l’amiable.
Parmi les autres mesures retenues, députés et sénateurs rallongent de 9 mois le délai d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les SRADDET. Cette date limite sera donc fixée à novembre 2024, au lieu de février 2024 actuellement.
Les SCOT et PLUI bénéficieront eux d’un allongement des délais de modification de 6 mois (soit février 2027 pour les SCOT et février 2028 pour les PLUI).
Les outils pour faciliter la transition vers l’absence de toute artificialisation
Les députés et sénateurs ont aussi validé la possibilité d’instituer un droit de préemption urbain élargi, notamment aux fins de renaturation.
Une procédure dite de « sursis à statuer ZAN » est aussi instituée et prend la forme d’un périmètre (correspondant à des zones ouvertes à l’urbanisation) délimité par l’autorité compétente en matière de PLU, au sein duquel il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation d’urbanisme entraînant une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers susceptible de compromettre l’atteinte des objectifs de sobriété foncière durant la première tranche de dix années.
Sous réserve que les deux chambres votent le texte issu de la commission mixte paritaire, en commençant par l’Assemblée nationale le 12 juillet puis le Sénat le lendemain, le texte devrait être promulgué avant la fin du mois de juillet.
Parallèlement au volet parlementaire à intervenir, les nouveaux outils fiscaux, locaux et nationaux pouvant être mobilisés pour inciter à ne pas artificialiser les sols ou à renaturer des espaces artificialisés devraient figurer dans la prochaine loi de finances pour 2024.