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Chefs d’entreprises, pour acquérir, céder : anticipez !

Richelieu disait : « Qui prévoit de loin ne fait rien par précipitation »

Par Me François Audibert et Me Florent Gonidec, avocats au barreau de Rennes

Par Me François Audibert et Me Florent Gonidec, avocats au barreau de Rennes

Le projet d’acquisition ou de cession d’une société (et donc de ses titres tels que des parts sociales ou actions) peut paraitre pour l’actuel ou le futur dirigeant une période obscure.
La cession se matérialise par la rencontre des volontés de deux interlocuteurs : un vendeur et un acquéreur.

Comment acheter ? Comment céder ? Vendeur, acquéreur, chacun se pose des questions légitimes qui n’ont parfois pas été anticipées par manque de temps ou encore, d’intérêt à un instant « T ».

Il n’y a pas de meilleur moment qu’un autre pour se poser ces questions.
Afin d’éviter de mauvaises surprises, certains mécanismes juridiques sont à la disposition du chef d’entreprise afin de garantir l’anticipation et de nature à optimiser la transmission / l’acquisition.

C’est dans ce contexte que le futur dirigeant a tout intérêt à anticiper son acquisition et s’agissant de l’actuel chef d’entreprise, à anticiper la cession.

Le futur repreneur pourra s’interroger sur les modalités de reprise de l’activité ciblée. À titre préalable, il est opportun notamment de fixer un calendrier des opérations via la conclusion d’une lettre d’intention avec le Cédant, donnant ainsi un cadre aux échanges et aux négociations entre les parties. Ensuite, l’acquéreur pourra se pencher sur les modalités pratiques de l’acquisition.

I. L’anticipation par le cessionnaire

1) La lettre d’intention

La lettre d’intention (ou en anglais « Letter of Intention » (L.O.I) sera le premier outil d’officialisation des pourparlers entre le Cédant et le Cessionnaire. Afin d’assurer une totale confidentialité au lancement du processus de vente, il est recommandé de conclure concomitamment un engagement de confidentialité entre les parties.

Plus généralement, la lettre d’intention permet de déterminer précisément entre le Cédant et le Cessionnaire, le prix et les conditions de la vente des titres de la société.

À cet égard, il est important d’y faire notamment figurer :

  • Une faculté de substitution permettant ainsi au futur cessionnaire de se substituer à une société type holding en ses lieu et place ;
  • Un droit d’audit en délimitant le périmètre de celui-ci.
  • La date d’effet de la cession envisagée ;
  • Les modalités de fixation du prix ou prévoyant un complément de prix, le cas échéant ;
  • Les conditions suspensives qui devront être levées au jour de la vente, sans lesquelles le cessionnaire n’acceptera pas d’acquérir ;
  • Le cadre de la convention de garantie permettant de préserver l’acquéreur d’une dévalorisation de l’actif et de le prémunir de tout passif inconnu ;
  • La durée de l’offre d’acquisition ;
  • Un rétroplanning donnant de la visibilité aux parties sur la vente ;
  • Une clause de non-concurrence et/ou de non-débauchage de la part du cédant ;
  • Une clause d’exclusivité accordant au cessionnaire pressenti une période au cours de laquelle le cédant n’entamera aucune négociation avec un tiers ;
  • Les modalités de l’accompagnement par le Cédant, afin de permettre de réaliser une passation dans les meilleures conditions.

La lettre d’intention, rimant avec anticipation, permet d’arrêter entre les parties les grandes lignes de la négociation et d’avancer sereinement en ayant d’ores et déjà posé sur « la table » les points sensibles d’une cession qui seront repris dans le compromis de vente ou l’acte de vente, le cas échéant.

2) Acquisition des titres via une société dite « holding » ou à titre personnel ?

Cet entrepreneur en devenir ou qui l’est déjà pourra s’interroger sur la structuration de son acquisition.

Celui qui détient des participations dans une société d’exploitation pourrait avoir tout intérêt de regrouper celles-ci sous le prisme d’une société holding, cette dernière se substituant à l’acquéreur pressenti et souscrivant elle-même l’emprunt relatif à l’acquisition.

Le nouvel entrepreneur, qui ne dispose pas d’une société holding, peut décider d’acquérir ces titres à titre personnel devenant associé direct de la structure en cours d’acquisition et seul redevable du remboursement de l’emprunt ou alors de créer une société holding qui contractera un emprunt dédié à cette acquisition.

Les intérêts du financement de l’acquisition via la création d’une société « holding » :

L’acquisition des titres au moyen d’une société holding permettra de financer l’acquisition via la souscription d’un emprunt bancaire, lequel sera remboursé grâce à la remontée des dividendes de la société d’exploitation, aussi appelée « LBO » (Leveraged By Out). Le risque financier est ainsi circonscrit au niveau de la société holding, sous réserve des garanties bancaires sollicitées.

Dans une démarche d’investissement, la société holding donnera la possibilité à cet acquéreur de se lancer dans des projets d’investissements immobiliers, par exemple, en s’appuyant sur la force du groupe de sociétés constituées.

Avec une vision à long terme, le cessionnaire aura, de cette manière, anticipé sa future position de cédant.

II. L’anticipation par le Cédant

S’agissant du cédant, l’anticipation se matérialisera notamment par la valorisation de sa société, lui permettant ainsi d’envisager la transmission au bénéfice d’un salarié, dans le cadre d’un cercle familial ou alors de réfléchir à de nouveaux projets, au moyen de l’apport cession.

1) L’anticipation du prix de cession

Le Cédant a tout intérêt à prendre attache avec son expert-comptable afin de procéder à la valorisation de son entreprise avant d’en envisager la vente.
En effet, il est plus confortable d’avoir connaissance d’une fourchette de prix donnant la confirmation que l’offre formulée par le Cessionnaire est en adéquation avec la valeur du marché et celle de la société.

2) La transmission dans le cercle familial ou au bénéfice d’un salarié

Si le successeur se trouve parmi les héritiers ou salariés du chef d’entreprise, le Pacte Dutreil représentera un intérêt non négligeable.
En effet, la transmission non anticipée peut engendrer des droits de succession conséquents.
Ainsi, le Pacte Dutreil permet de bénéficier d’une exonération partielle des droits de donation à hauteur de 75 % des titres reçus, sous réserve du respect notamment des conditions suivantes :

– Détention de la société par le chef d’entreprise depuis au moins deux ans. L’engagement de conservation des titres de deux ans doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote ;

– Le repreneur doit, quant à lui, s’engager à conserver les titres pendant au moins 4 ans et doit exercer une fonction de direction pendant au moins 3 ans ; il s’agit alors d’un engagement individuel.

Dans ce cas de figure, le Pacte Dutreil relève de la transmission contrairement à la situation de l’apport cession.

3) L’apport cession

Dans l’hypothèse où le dirigeant souhaite céder ses titres et a d’ores et déjà un projet de réinvestissement, il peut bénéficier d’un report d’imposition de la plus-value de cession.
En amont de la vente, le Cédant pourra alors constituer une société holding en lui apportant les titres de la société opérationnelle qu’il envisage de vendre.

Le Cédant ne pourra vendre ses titres dans un délai de 3 ans à compter de cet apport, sauf à remettre en cause le report d’imposition obtenu.

Toutefois, à la lumière des dispositions de l’article 150-0-B ter du Code Général des Impôts, le dirigeant est à même de céder ses titres via sa holding en prenant l’engagement de réinvestir 60 % du prix de cession dans les deux années de la cession.

Différentes formes de réinvestissement sont possibles et peuvent être « panachées » telles que :
– Financement de moyens d’exploitation affectés à une activité opérationnelle économique ;
– Acquisition de sociétés opérationnelles contrôlées ;
– Souscription au capital initial ou augmentation de capital d’une société opérationnelle, d’une holding animatrice ou, sous conditions, d’une holding passive ;
– Réinvestissements indirects dans des fonds éligibles (FCPR, FPCI, SCR ou SLP).

***
L’anticipation de la cession concerne tout entrepreneur, quel qu’il soit. La présentation ici faite concerne davantage l’entrepreneur exploitant ou envisageant d’exploiter son activité sous forme sociétaire.

Il n’y a pas de « bonne ou de mauvaise situation », une réponse juridique pourra toujours être apportée. Toutefois, l’anticipation évitera toute précipitation nécessairement préjudiciable.
Le propre du chef d’entreprise est de prévoir la direction que prend le navire dans le développement de son activité. Cette démarche le concerne aussi à titre personnel … il doit éviter l’écueil de s’oublier !

Le droit est aux côtés du chef d’entreprise et nombreux sont les mécanismes qu’il peut actionner, pour regarder plus loin que la barre du navire !

Le dirigeant se doit de garder à l’esprit que le jour où il quittera brutalement le pont, l’entreprise pourra se retrouver rapidement dans une situation fragile. Il peut anticiper cette situation à l’instar du mandat de protection future ou encore du mandat à effet posthume : outils de sûreté et de sécurité au bénéfice du dirigeant et de sa famille.
Les avocats sont à vos côtés pour vous guider.

 

Par Me François Audibert et Me Florent Gonidec, avocats au barreau de Rennes