Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Coriolis Composites : L’industrie 4.0

Créée en décembre 2000 à Lyon et installée à Quéven près de Lorient en 2002, par Clémentine Gallet, son mari Alexandre Hamlyn, et rejoint par l'ingénieur Yvan Hardy, Coriolis Composite a su s’imposer à l’international sur le marché des robots, des logiciels dédiés à la fabrication de structures en matériaux composites. Une réussite industrielle où l’innovation technique ne serait rien sans la ténacité de celle, que le journal "Le Monde" a surnommé « La charmeuse de robots ». Douée avec les machines autant qu'avec les humains, dotée d’une spontanéité irrésistible, Clémentine Gallet séduit autant qu’elle convainc. Avec elle, tout va à 100 à l’heure. Aussi vite que l’innovation industrielle… Rencontre.

Clémentine Gallet créatrice et dirigeante de Coriolis composite (Quéven)©Sylvain Mainguy Photographe

Clémentine Gallet créatrice et dirigeante de Coriolis composite (Quéven)©Sylvain Mainguy Photographe

« Coriolis développe et fournit des machines robotisées et des logiciels pour la fabrication de pièces en matériaux composites. Il s’agit principalement de fibres de carbone ou verre imprégnées de résine. C’est comme du plastique, mais en beaucoup plus rigide car renforcé par des fibres longues, explique Clémentine Gallet. Nous fabriquons à la fois le robot et le logiciel qui le fait bouger. » Tout paraît d’une simplicité enfantine quand la fondatrice de Coriolis Group résume son activité. Et pourtant, l’innovation technologique dont l’équipe est à l’origine a révolutionné l’industrie des matériaux composites. Les robots font aujourd’hui le travail que faisaient auparavant les petites mains de l’industrie. Mais eux ne souffrent pas des mauvaises postures, des émanations toxiques, des gestes répétés mille fois… et sont d’une précision diabolique.

 

Trois filiales, 120 salariés, 22 M€ de CA

En vingt ans d’existence, Coriolis a traversé des crises existentielles, affronté des géants industriels, espéré des contrats sans cesse repoussés… et surmonté toutes ces épreuves. Aujourd’hui, la société compte trois filiales étrangères (USA, Chine et Allemagne), plus de 120 collaborateurs, 22 millions d’euros de chiffre d’affaires, et on compte à ce jour 110 robots signés Coriolis à travers le monde. On les trouve notamment chez les trois grands constructeurs aéronautiques : Airbus (Europe,) SAFRAN, et Comac (Chine).

Les robots font aujourd’hui le travail que faisaient auparavant les petites mains de l’industrie.

 

Une technique à généraliser à de nombreux secteurs

©SylvainMainguy

Les ingénieurs mettent au point la tête du robot de drappage des matériaux composites ©SylvainMainguy

Mais que propose Le Petit Poucet morbihannais que les autres n’ont pas ? « Notre technologie apporte de la performance mécanique et de l’allègement, répond Clémentine Gallet. Une pièce en carbone pèse environ 20 % à 30 % de moins qu’une pièce en aluminium et n’est pas sensible à la corrosion. Sur un marché conservateur, opéré par de gros acteurs, nous avons apporté une technique peu chère, flexible, relevant de l’industrie 4.0 avant l’heure. C’est de la fabrication additive, sur le principe d’une imprimante 3D, le robot empile des couches de carbone. » L’aéronautique, l’automobile, et le nautisme sont friands de cette technologie, et ces secteurs high-tech ne font que devancer de quelques années les grandes tendances industrielles, qui se généralisent à d’autres secteurs. Coriolis est appelé à un grand avenir. La success story a pourtant failli ne jamais exister.

Une idée brillante d’étudiants

Clémentine Gallet et son mari Alexandre Hamlyn fondateurs de Coriolis Composite ©SylvainMainguy

Clémentine Gallet et son mari Alexandre Hamlyn fondateurs de Coriolis Composite ©SylvainMainguy

Clémentine Gallet était, dans sa jeunesse, en admiration devant son grand-père, directeur et fondateur de l’IUT Génie mécanique de Lyon. Elle ne tient pas en place et « aime mettre les mains dans la graisse » : elle s’oriente, dès la seconde, en filière technologique, intègre ensuite l’IUT, prend la présidence du Bureau des élèves… et fait trop la fête pour entrer en école d’ingénieur. Qu’à cela ne tienne, elle part en Allemagne se former. Trois ans d’école de mécanique à côté de Stuttgart, un job étudiant chez Thyssen avec « un super patron » et des stages chez les grands noms de l’industrie (Mercedes, Bosch…). Son futur mari reste de l’autre côté de la frontière, mais jamais bien loin. C’est d’ailleurs à cette époque qu’il lui parle de l’idée d’automatiser la fabrication des coques de voiliers en matériaux composites. Nous sommes en 1996 et l’idée est simplement révolutionnaire.

« Nous avons apporté une technique peu chère, flexible, relevant de l’industrie 4.0 avant l’heure. »

En avance sur le marché

En 1998-1999, le couple fraîchement diplômé se forme à la création d’entreprise à Lyon. Entrepreneurs dans l’âme, un premier brevet est déposé et ils n’ont qu’une idée en tête : concrétiser leur projet d’automatisation d’un procédé industriel encore au stade de prototype. Une opportunité se présente à Lorient, où une filière nautique émerge timidement sous la houlette de Jean-Yves Le Drian. Ils déménagent et se lancent à corps perdu dans cette aventure. « Jean-Yves Le Drian est un visionnaire, dit Clémentine. Il a cru en nous, mais le marché du nautisme n’était pas encore prêt. » Ils vivent au camping et du RMI, mais n’abandonnent pas. Une détermination qui frappe Bruno Le Jossec à la tête de la SFLD, le fonds de développement économique de Lorient, qui investit une partie des 150 000 € de la première levée de fonds.

« Jean-Yves Le Drian est un visionnaire. Il a cru en nous, mais le marché du nautisme n’était pas encore prêt. »

Une expatriation aux USA évitée de justesse

 

Mi 2005, les commandes ne viennent pas, le couple est à bout de souffle, mais ne lâche rien. Ils envisagent un temps de s’expatrier aux États-Unis, sûrs de « faire un carton ». Mais leur premier client européen les rattrape de justesse. Airbus commande une machine pour la R&D de son premier avion en composite. « C’est un peu de la chance, dit Clémentine, avec humilité. De toute manière, nous n’avions plus rien à perdre, car il nous restait trois mois de trésorerie. On a finalement réussi à livrer cette machine dans les temps et, comme nous l’avions bien vendue, nous sommes passés de 5 à 35 salariés. Peu de gens y croyaient, mais on s’est vite structuré. » Les entrepreneurs ont appris à s’adapter.

Coaching et formations pour garder l’entreprise sur les bons rails

À partir de 2007, l’entreprise est solide et la croissance frôle les 30 % par an. « C’est à partir de 2015 que nous avons changé d’échelle, en remportant un énorme contrat pour la fabrication des fuselages d’Airbus, se souvient Clémentine. Nous avons réussi à faire qualifier notre technologie pourtant très innovante par un avionneur de référence. Dans le même temps, nous nous occupions de nos quatre enfants. C’étaient les années folles. » Pragmatique et exigeante, elle perçoit très vite les difficultés d’une telle croissance. Elle participe alors au programme de coaching et de formation de Bpifrance pour l’aider à améliorer sa gouvernance. En 2018, elle reçoit le prix Entreprise exportatrice de l’année du Palmarès MOCI des PME & ETI, ainsi qu’un grand prix Industrie du futur décerné par La Tribune.

« Dans le même temps, nous nous occupions de nos quatre enfants. C’étaient les années folles. »

Des crises successives qu’il fallait surmonter

L’année suivante, gros coup dur. Après un projet initié par Boeing, Coriolis embauche à tour de bras pour honorer les délais. Mais les 737 de l’avionneur américain connaissent plusieurs crashes. Le projet est stoppé net. Puis, c’est la crise du Covid et une baisse de 40 % du chiffre d’affaires en deux mois ! « Nous avons tout restructuré, mais j’avoue que c’était la pire année de ma vie, glisse Clémentine. Nous nous sommes malgré tout très vite repris et, début 2021, nous étions à nouveau rentables. » Même s’il a fallu encore faire le dos rond en 2022 avec des annulations de commandes russes, la hausse des taux d’intérêt et le peu d’exports, Clémentine reconnaît que « les bases sont solides, que le secteur de l’aviation est toujours porteur et que des machines pilotes pour l’automobile sont quasi parées pour 2027-2028. » Le transport maritime vélique et les réservoirs d’hydrogène pourraient aussi prochainement représenter des marchés intéressants.

 

Nouveautés technologiques et croissance externe

En attendant, Coriolis continue d’avancer. Sur le plan technologique, les nouveaux robots de drapage sont désormais équipés de têtes d’impression plus petites et commandés par un logiciel « hyperperformant ». Coriolis Group a également réalisé, en 2018, sa première opération de croissance externe avec l’acquisition de MF Tech, une référence mondiale dans la robotique appliquée à l’enroulement filamentaire. Les robots développés par MF Tech sont aujourd’hui utilisés, entre autres, pour la fabrication de réservoirs d’hydrogène dans l’automobile, l’aéronautique, et le spatial… Un atout supplémentaire pour préparer l’avenir.

Une réussite industrielle indéniable. Clémentine Gallet a su manœuvrer, s’accrocher, s’adapter, convaincre… cette détermination sans failles lui vaut aujourd’hui la reconnaissance de ses pairs. Elle a été nommée en 2022 présidente du comité Aero PME du Gifas, – le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (qui organise notamment le Salon du Bourget) -, devenant la représentante des quelque 220 PME de la filière aéronautique tricolore, dont un des multiples challenges est la transformation des usines. Une nouvelle mission largement à la portée de celle qui a déjà dompté des robots.

 

Les questions bonus :

©SylvainMainguy

©SylvainMainguy

La petite musique qui vous trotte dans la tête ? Billy Paul avec sa chanson reprise du succès d’Elton John, Your Song.

Le Morbihan, c’est quoi pour vous ? Avant tout la mer … rendez-vous pour le Défi des Courreaux, une traversée à la nage de près de 7km  au départ de l’île de Groix !

Votre paysage préféré ? Le Vercors en automne.

Et la montagne en hiver ? Ce n’est pas ma saison préférée, sinon pour le ski de randonnée.

Votre défaut préféré ? Bonne vivante et toujours partante.