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De la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à la prime de partage de la valeur : bénéficiaires et modalités de versement

Dans le contexte du mouvement des gilets jaunes, la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales du 24 décembre 2018 a notamment créé la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (dite PEPA ou « prime Macron »). Ce dispositif permettait aux entreprises qui le souhaitaient de verser une prime exonérée de cotisations et d’impôt pouvant aller jusqu’à 1 000 € pour les salariés qui gagnaient moins de trois fois le SMIC. Alors que ce dispositif devait être ponctuel, il a finalement été renouvelé en 2019, 2020 et 2021… Environ 6 millions de salariés ont reçu de leur employeur au moins une prime exceptionnelle, d’un montant moyen de 500 € (selon l’étude d’impact de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat). Finalement, dans le cadre de son programme électoral, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir tripler la PEPA, sans charges ni impôts. Après des débats parlementaires plus âpres que prévu, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a été publiée le 17 août 2022. Son article 1 instaure la prime de partage de la valeur.

Nolwenn Quiguer, avocat au barreau de Renne prime

Nolwenn Quiguer, avocat au barreau de Rennes ©DR

Les bénéficiaires de la prime

Les salariés des employeurs de droit privé, les agents des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ainsi que des établissements publics administratifs (EPA) et les travailleurs handicapés relevant des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) sont susceptibles de bénéficier de la prime.

Lorsqu’une entreprise a recours à des intérimaires, elle doit informer l’entreprise de travail temporaire de sa décision de verser la prime de partage de la valeur. L’entreprise de travail temporaire devra alors verser la prime aux intérimaires (après information de son Comité Social et économique).

Il peut donc s’agir de salariés en contrat à durée indéterminée, en contrat à durée déterminée, à temps plein ou à temps partiel, de titulaires d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation, de travailleurs handicapés liés à un ESAT par un contrat de soutien et d’aide par le travail, etc.

Pour être exonérée de cotisations sociales, la prime doit bénéficier aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, aux agents publics relevant de l’établissement public ou aux travailleurs handicapés liés à un établissement ou service d’aide par le travail

  • à la date de versement de cette prime,
  • ou à la date de dépôt de l’accord d’entreprise ou de groupe auprès de la DREETS
  • ou à la date de la signature de la décision unilatérale mettant en place la prime.

À la différence de la PEPA, la prime de partage de la valeur peut bénéficier à tous les salariés, sans condition de rémunération (même si le régime d’exonération pour les primes 2022 et 2023 différera selon un critère de rémunération).

Le montant de la prime

L’entreprise peut décider de verser le montant qu’elle souhaite, mais le montant maximal de la prime exonérée de cotisations sociales est de 3 000 €.

Ce montant peut être porté à 6 000 € si l’entreprise met en œuvre un dispositif d’épargne salariale alors qu’elle n’y est pas tenue légalement (d’où le nouveau nom de la prime faisant référence au partage de la valeur).

Plus précisément, la majoration du plafond de la prime est prévue lorsque l’entreprise met en œuvre, à la date de versement de la prime de partage de la valeur, ou a conclu, au titre du même exercice que celui du versement de la prime :

  • Un accord d’intéressement si l’entreprise est soumise à l’obligation de mettre en place la participation (entreprise de 50 salariés et plus) ou
  • un accord d’intéressement ou un accord de participation (volontaire) si elle n’est pas soumise à l’obligation de mettre en place la participation.

En revanche, la prime ne doit se substituer à aucun élément de rémunération prévu au contrat de travail, par convention, accord collectif ou par usage.

Il convient de noter que les associations et fondations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général visées par le texte, ainsi que les établissements ou services d’aide par le travail (pour les primes versées aux travailleurs handicapés liés à eux par un contrat de soutien et d’aide par le travail) n’ont pas à mettre en place un dispositif d’épargne salariale pour bénéficier de la majoration du plafond de la prime. Ces employeurs spécifiques peuvent verser une prime exonérée de cotisations et de contributions sociales dans la limite de 6000 € par année civile et par bénéficiaire.

Les modalités de versement

Les employeurs ont la possibilité de moduler le montant de la prime en fonction d’un des critères suivants :

  • la rémunération,
  • le niveau de classification,
  • la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail prévue au contrat de travail (étant précisé que les congés maternité, paternité, d’adoption et d’éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective),
  • et l’ancienneté (ce qui constitue un nouveau critère, qui n’existait pas pour la PEPA).

Il semblerait alors possible d’exclure les salariés percevant un certain montant de rémunération du bénéfice de la prime. En revanche, les autres critères permettraient seulement de moduler le montant (sans pouvoir envisager l’absence totale de versement à certains salariés). L’Urssaf a annoncé qu’elle apportera des précisions à ce titre prochainement.

Comme le rappelle le ministère du Travail, aucun autre critère de modulation du montant de la prime n’est autorisé et, spécifiquement, aucun critère basé sur un motif discriminatoire prohibé par la loi (l’âge, le sexe, les activités syndicales, etc.).

À partir du 1er juillet 2022, le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre, au cours de l’année civile.

Le dispositif étant pérenne, contrairement à la PEPA, les entreprises peuvent mettre en place cette prime chaque année, selon des conditions évolutives.

Les modalités et le versement de la prime doivent être prévus par :

  • Un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités applicables aux accords d’intéressement

ou

  • une décision unilatérale de l’employeur (qui devra être soumise à la consultation préalable du CSE s’il existe – et non plus une simple information comme avec la prime PEPA).

Le régime social et fiscal de la prime

La loi a prévu le régime social et fiscal de principe de la prime de partage de la valeur et un régime social et fiscal spécifique pour les primes versées en 2022 et 2023.

Pour 2022 et 2023, le régime social et fiscal dépend du niveau de rémunération des salariés bénéficiaires de la prime.

Pour les salariés ayant perçu une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC au cours des 12 mois précédent le versement de la prime, celle-ci est exonérée de cotisations sociales et des contributions. Elle est également exonérée de CSG-CRDS (et devrait donc en conséquence être exonérée de forfait social).

Fiscalement, la prime est exonérée d’impôt sur le revenu. Si l’entreprise a versé une PEPA en 2022 (puisque les entreprises pouvaient verser une PEPA jusqu’au 31 mars 2022), le montant total exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne peut excéder 6000 euros.

Pour les salariés ayant perçu une rémunération égale ou supérieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, c’est le régime de principe qui est applicable immédiatement (cf infra).

À partir de 2024, le régime de principe s’applique : le régime social sera le même pour tous et l’exonération fiscale disparaîtra. Quel que soit le niveau de salaire du salarié, mais dans la limite de 3000 € (ou 6 000 € – cf supra) par bénéficiaire et par année civile, la prime de partage de la valeur sera exonérée de

  • toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle (cotisations salariales et patronales) ;
  • la participation des employeurs à l’effort de construction ;
  • la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance mentionnée à l’article L. 6131-2, la contribution supplémentaire à l’apprentissage mentionnée à l’article L. 6242-1 et la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée mentionnée à l’article L. 6331-6.

La prime sera assimilée aux sommes versées au titre de l’intéressement pour l’assujettissement au forfait social. Cela signifie alors que :

  • dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 salariés, elle est exonérée de forfait social ;
  • dans les entreprises de 250 salariés et plus, elle est soumise au forfait social (au taux de 20 %).

La prime sera assujettie à la CSG-CRDS et sera soumise à l’impôt sur le revenu.

Des précisions sont encore attendues de la part de l’Urssaf qui permettront aux entreprises d’envisager le versement de la prime.

Expertise par Me Nolwenn Quiguer, avocat au barreau de Rennes.