Bureaux épurés, silence chirurgical. Même l’environnement de travail semble avoir été rendu aseptique chez HTL. Pas de place pour l’à peu près dans cette entreprise de rang mondial. « Nous sommes soumis à de très hauts standards, à des inspections de la FDA (Food and Drug Administration) et de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) », explique François Fournier, président depuis 2022. L’entreprise d’environ 300 salariés connaît une accélération du développement de son cœur de métier : l’acide hyaluronique de grade pharmaceutique, produit sous forme de fibre. Les marchés, nommés en interne « les aires thérapeutiques » – il n’est point question de crèmes cosmétiques – ne sont pas prêts de s’épuiser compte tenu du vieillissement de la population : le vieillissement de la peau, domaines rhumatologique (atrhrose) et ophtalmologique (cataracte).
Un vaisseau amiral à Javené
©HTL
HTL Biotechnology a inauguré, en 2021, sa quatrième unité de production, HTL 4, symbole de sa croissance. La capacité de production pour l’acide hyaluronique a doublée entre 2020 et 2022.
D’ici à 2026, François Fournier compte investir « 100 millions d’euros dans de nouvelles unités de production et une extension à Javené. L’ancrage local Fougères-Javené a beaucoup de sens. Le bassin d’emploi est riche. Nous bénéficions d’une écoute et d’un appui des élus locaux. »
Et d’ajouter : « La Bretagne souffre d’une sous-implantation de l’industrie pharmaceutique. Le maillage territorial est d’autant plus important. Un site agroalimentaire est plus facilement délocalisable qu’un site pharmaceutique. Nous avons des normes, des standards, soumis à des inspections très fréquentes. La balance enjeux-risques est cruciale. HTL peut être un modèle de la réindustrialisation de l’industrie pharmaceutique, qui permettra de promouvoir l’attractivité de la France et de défendre notre propriété intellectuelle. »
Historique
Qui est Michèle Ranson, fondatrice d’HTL ?
Née en 1926, Michèle Ranson poursuit des études de pharmacie. Après le décès de son mari, fondateur des entreprises Javenech et Caref, Michèle Ranson prend les rênes de la société et crée HTL en 1992. Elle met au point la production d’acide hyaluronique par fermentation bactérienne, au lieu de l’extraire des crêtes de coq comme c’était le cas à l’époque.
Décorée des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur en 2009, Michèle Ranson transmet l’entreprise à sa fille en 2014, avant qu’elle ne soit rachetée par un fonds d’investissement en 2017. Michèle Ranson est décédée en mars dernier, à l’âge de 96 ans. François Fournier met en avant sa « personnalité audacieuse qui lui a permis d’anticiper les évolutions du marché, une qualité qui n’est pas donnée à tout le monde. »
Chronologie
1977 Création de Javenech, un laboratoire de recherche
1992 Création de HTL Biotechnology
2006 Lancement de la production industrielle d’acide hyaluronique de qualité injectable en tant que substance active
2016 Fusion de Javenech, Caref et HTL
2017 – 2018 Investissements conséquents dans la recherche et développement pour se diversifier en développant d’autres biopolymères ainsi que des dérivés chimiquement modifiés
2021 Ouverture d’une filiale aux États-Unis et de bureaux à Singapour et en Chine ; et inauguration d’une nouvelle unité de production, HTL4.
2022 Nomination de François Fournier
Nouvelles aires thérapeutiques
Le produit fini se présente sous forme de fibre. ©HTL
François Fournier et ses équipes ont adopté une stratégie de développement en partie axée sur la fonctionnalisation de ses biopolymères. À cette fin, HTL planche sur de nouveaux profils de fibres, aux caractéristiques mécaniques différentes, qui offriraient une longévité supérieure au produit.
HTL suit par ailleurs de près les travaux de recherche de startups du champ médical. « Ce sont nos clients de demain. Nous sommes en train de nous structurer pour mieux les accompagner. » De ces recherches émergent de nouveaux domaines d’application thérapeutiques possibles. En oncologie par exemple, l’acide hyaluronique pourrait être utilisé comme véhicule des traitements anticancéreux afin de permettre un meilleur ciblage. Autre développement envisagé, les soins des plaies profondes, « cela représente un marché énorme. »
Enfin, HTL développe de nouveaux biopolymères. « Le collagène est une vraie question », confie François Fournier.
Expansion géographique
Le déploiement d’HTL est aussi géographique. 85% de l’activité est réalisée à l’export, direct et indirect. « Principalement en Europe. Mais nous enregistrons une forte hausse en Asie. Nous avons ouvert une filiale à Singapour et un bureau en Chine en 2021. Le Moyen-Orient présente une dynamique de marché très intéressante. Il y a une réelle appétence pour la médecine esthétique. »
Pour appuyer sa croissance, la société bretillienne a posé ses valises aux États-Unis et ouvert un site de production à Canton, dans le Massachusetts.
La fabrication de la fibre comprend : la préparation de l’inoculum (bactéries), la fermentation, la purification puis le séchage avant conditionnement. ©HTL
USA : le partenariat avec Eirion sur la toxine botulique
L’ouverture de ce site vient couronner la signature d’un partenariat stratégique en 2021 avec Eirion Therapeutics, un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans la dermatologie esthétique dont le siège est à Woburn (Massachusetts), pour devenir son fabricant exclusif de toxine botulique. HTL a financé la construction, la validation et l’exploitation de l’unité de fabrication qui devrait trouver son rythme de croisière à l’horizon 2026, « un cycle tout à fait classique dans notre industrie ». « Nous sommes ravis de signer, avec HTL, un partenariat à long terme de fabrication. Ses compétences en matière de fabrication de produits biologiques sont respectées et admirées dans le monde entier, et elles nous seront très utiles dans le cadre de la commercialisation internationale de nos produits esthétiques », avait déclaré Jon Edelson, MD, PDG d’Eirion, au moment de l’accord entre les deux sociétés.
Mieux connaître François Fournier
Originaire de Rueil-Malmaison, François Fournier a obtenu un doctorat en pharmacie à l’université de Reims et un master à HEC Paris. De nationalités française et américaine, il a occupé de nombreuses fonctions de direction au sein de laboratoires pharmaceutiques à travers le monde (Indonésie, Chine, Suisse, Singapour…) dont, dernièrement, Virbac, en tant que PDG de Virbac North America basé à Dallas, au Texas, mais également Smith & Nephew et Galderma.
« Le projet proposé par HTL, la confiance des actionnaires et la possibilité de voir directement son impact m’ont convaincu de m’installer en Ille-et-Vilaine après plusieurs décennies à l’étranger. Je suis véritablement fier d’être revenu en France pour contribuer au rayonnement de cette belle entreprise. »
Un livre que vous avez particulièrement aimé ? « Texas, de James A. Michener. Ce livre m’a permis de comprendre le Texas. Michener est un grand auteur américain, qui était pressenti pour obtenir le prix Nobel de littérature. Il a une formidable capacité à romancer des épopées historiques. »
Le Texas, où vous avez vécu 14 ans, vous manque ? « Les États-Unis vous marquent. Mais il y a plus de points communs entre les États-Unis et la France qu’on ne le croit. »
Un lieu ? « Après 30 ans passés à l’étranger, je dirais Paris. C’est une ville extraordinaire : l’architecture, les théâtres, les musées, l’art de vivre… Et Rome également. »
Un loisir ? « Le tennis. »
*Les biopolymères sont des polymères (composés résultant de la combinaison de plusieurs molécules) issus de la biomasse, c’est-à-dire produits par des êtres vivants.
