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Le rescrit fiscal, un outil efficace pour mener des projets à bien sereinement

Que l’on soit une entreprise, une collectivité publique ou un particulier, la maîtrise de la charge fiscale comme des modalités de l’imposition est la clé pour la réussite de ses projets. De ce point de vue, le rescrit fiscal* est un outil intéressant, car il offre un bon niveau de sécurité aux contribuables qui s’en saisissent.

*Rescrit fiscal

Quand un texte fiscal ne vous semble pas clair ou vous ne voyez pas comment l’appliquer à votre situation, vous pouvez interroger l’administration, sa réponse vous donne son interprétation des textes fiscaux au vu de votre situation. Ce rescrit fiscal est un gage de sécurité, il engage les services fiscaux.

Depuis 2008, dans le cadre de la loi dite « pour un Etat au service d’une société de confiance », les services de l’administration fiscale qui instruisent les demandes de rescrit ont été étoffés. Leur mission est de fournir des réponses constructives dans les délais prévus par les textes (généralement 3 mois). Bien qu’il ne soit pas très médiatisé, ce renforcement du rescrit constitue une avancée opportune dans les relations entre les contribuables et l’administration.

C’est un outil précieux, par exemple pour :

  • valider une exonération d’impôt sur la fortune immobilière,
  • valider le périmètre de la déductibilité fiscale de travaux immobiliers,
  • maîtriser les conséquences fiscales du transfert du siège d’une société d’un Etat à un autre…

Pour assurer l’efficacité de la démarche, le cadre fixé par les textes doit impérativement être respecté

La forme requise est assez souple ; la demande de rescrit doit être adressée sous pli recommandé avec demande d’accusé de réception et énoncer tous les faits utiles à une prise de position éclairée par les services de l’administration. Il y a par ailleurs lieu d’y annexer tous les documents qui permettent de bien comprendre le contexte et le projet.

Il est impératif d’anticiper suffisamment, car il faudra attendre la réponse de l’administration avant de réaliser effectivement le projet.

Lors de la rédaction de la demande comme lors de la mise en œuvre du projet, il faut avoir en tête qu’une décision de rescrit favorable n’est opposable à l’administration fiscale et fait donc valablement échec à d’éventuelles velléités de redressement, que si :

  • Tous les faits utiles ont été intégrés à la demande ;
  • Le contribuable a mis en œuvre son projet tel qu’il a été présenté auprès de l’administration.

Le cas échéant, il faut veiller à s’inscrire dans le cadre du rescrit spécifique au régime fiscal revendiqué. Par exemple, aussi choquant que cela puisse être, la validation par voie de rescrit de la qualité de jeune entreprise innovante (JEI) ne valide pas le droit au crédit d’impôt recherche, y compris au titre de l’année antérieure à la présentation du rescrit JEI.

Toute question n’est pas bonne à poser dans le cadre d’une demande de rescrit !

Avant de présenter une telle demande de sécurisation de la fiscalité applicable, il faut réaliser une analyse complète de l’état du droit notamment des commentaires publiés au Bulletin officiel des finances publiques, et se faire une idée précise du régime applicable à la situation donnée. Très souvent, la réponse est claire ; il n’est alors pas nécessaire de déposer une demande de rescrit. Lorsqu’en revanche, il existe une incertitude, liée par exemple au caractère nouveau d’une question ou à l’importance de l’appréciation des faits, il peut être opportun d’interroger l’administration fiscale.

Il est nécessaire de bien peser la décision d’ouvrir une telle procédure. Une décision défavorable peut en effet être très handicapante, d’autant que les modalités de contestation d’un rejet ne sont toujours pas optimales. En effet, si l’administration rejette le régime fiscal revendiqué par le contribuable, il est possible de présenter la même demande auprès du collège de second examen des rescrits. C’est une procédure récente, relativement rapide et intéressante, car elle donne lieu à un rendez-vous physique, au cours duquel la position de chacune des parties peut être mieux comprise. En revanche, si le collège de second examen maintient la position défavorable, il faut :

  • soit renoncer au projet,
  • soit, à supposer que cela soit possible, le modifier suffisamment pour en expurger ce qui a bloqué,
  • soit prendre le risque de passer outre la décision défavorable, avec la quasi-certitude d’être redressé et de devoir batailler au moins 5 ans avant que le juge ne tranche définitivement le litige,
  • soit contester la légalité de la décision de rejet dans le cadre d’un recours dit « pour excès de pouvoir ». Ce type de contentieux est malheureusement riche en écueils. Le premier d’entre eux est lié au fait que, fréquemment, l’administration fiscale en conteste la recevabilité en invoquant ce qu’on appelle « l’exception de recours parallèle », c’est-à-dire la préférence pour un contentieux fiscal classique dont l’objet est de contester une imposition existante. Cette orientation revient à contraindre le contribuable à passer outre le rejet, en d’autres termes à appliquer le régime fiscal dont il demandait la validation dans le cadre de sa demande de rescrit, au risque de faire l’objet non seulement d’un redressement, mais également de lourdes pénalités.

On le voit, la présentation d’une demande de rescrit doit être mûrement réfléchie, mais elle constitue un atout important dans la relation avec l’administration fiscale.

 

Par Me Maud Bondiguel, avocat au barreau de Rennes