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Les Impressionnistes au musée des Beaux-arts de Rennes

Il y a 150 ans, le 15 avril 1874, s’ouvrait, à Paris, la première exposition des Impressionnistes : 31 artistes bien décidés à s’affranchir des règles de la peinture classique. S’ils sont à l’honneur ce printemps au Musée d’Orsay qui leur consacre une belle rétrospective, les visiteurs pourront, en écho à cette exposition, admirer, au musée des Beaux-arts de Rennes, deux Caillebotte et un Sisley, impressionnistes de la première heure.

Esquisse du Pont de l'Europe, Caillebotte, 1876, musee des Beaux-arts de Rennes ©DR

Gustave Caillebotte, témoin du Paris Haussmannien

« Enfin, je nommerai M.Caillebotte, un peintre du plus beau courage et qui ne recule pas devant les sujets grandeur nature. » Ainsi s’exprimait Émile Zola, en 1877, dans son compte rendu de la troisième exposition des Impressionnistes. Gustave Caillebotte (1848-1894) exposait alors à la galerie Durand-Ruel Rue de Paris par temps de pluie et Le Pont de l’Europe.

Le Pont de l’Europe, peint en 1876 (Genève, collection du Petit Palais), a été précédé par une esquisse à l’huile conservée au musée des Beaux-arts de Rennes. 

Très proche du tableau final, mais plus petite, la scène se déroule par une claire matinée de printemps et s’organise autour de la diagonale du Pont de l’Europe construit entre 1865 et 1868 par l’ingénieur Pierre-Alexandre Adolphe Jullien dans le nouveau quartier de la gare Saint-Lazare.

Toute l’attention du peintre se porte sur la structure métallique en « X » du pont, le jeu de la lumière et des ombres. La perspective à deux points de fuite entraîne le regard au loin. À gauche, le trottoir et les immeubles Haussmanniens, à droite la silhouette d’un employé penché sur la balustrade pour guetter l’arrivée des trains.

La touche large et vigoureuse est le signe d’un travail sur le vif. Manquent encore les détails de la toile finale : Caillebotte coiffé d’un chapeau haut-de-forme accompagné d’une jeune femme et le chien du peintre, Bergère, qui invite le spectateur à le suivre du regard.

Le Pont de l'Europe, Caillebotte, musée du Petit Palais Genève ©DR

Le Pont de l’Europe, Caillebotte, musée du Petit Palais Genève ©DR

Peinture en plein air

Paysagiste urbain, témoin du Paris Haussmannien, Caillebotte est sensible à la nature. Sa famille possédait une belle propriété à Yerres, à 20 km de Paris. C’est là qu’il se convertit à la peinture en plein air, encouragé par Renoir.

Sa palette s’éclaircit, sa touche se fragmente pour suggérer la lumière de l’instant. Gustave Caillebotte et ses deux frères aiment les plaisirs de l’eau. En 1878, Caillebotte reçoit la commande de trois panneaux décoratifs qu’il présente à l’exposition impressionniste de 1879 : La pêche à la ligne, Les baigneurs et Les périssoires, trois toiles d’un format identique (157 cm x117cm).

Les périssoires a été donné au musée des Beaux-arts de Rennes par le grand collectionneur Georges Wildenstein. Cette vue plongeante des frères Caillebotte en train de pagayer sur l’Yerres qui coulait au bas de leur propriété traduit l’influence de la photographie pratiquée par Martial Caillebotte, frère du peintre. En bon impressionniste, Gustave Caillebotte est attentif aux jeux des remous et des reflets sur la rivière.

Caillebotte les Perissoires 1878 Musee des Beaux-arts de Rennes ©DR

Caillebotte les Perissoires 1878 Musee des Beaux-arts de Rennes ©DR

Caillebotte doit beaucoup à Marie Berhaut, conservatrice du musée des Beaux-arts de Rennes de 1949 de 1968. Elle l’a remis en pleine lumière, en lui consacrant sa thèse de doctorat et en établissant le catalogue raisonné de ses peintures en 1978.

Sisley, invité aux trois premières expositions des Impressionnistes, de 1874 à 1877, est l’autre impressionniste du musée des Beaux-arts de Rennes. Son Paysage de la vallée de la Seine, daté de 1875 (dépôt du musée d’Orsay en 1951) est remarquable par son un bel effet de lointain sous le ciel moutonneux. Le premier plan, envahi de hautes herbes, est animé par deux enfants. L’un d’eux porte un bonnet rouge vermillon, discret hommage à Corot vénéré par le peintre. À elle seule, cette petite tache vive réchauffe l’harmonie des bleus et des verts.

À noter que le musée des Beaux-arts de Rennes conserve aussi un Corot, Le passage du gué le soir (1868), et un Boudin, Trouville, vue des jetées à marée haute (1885). Ces deux artistes, appréciés des Impressionnistes étaient des adeptes de la peinture en plein air. Le peintre normand avait dit à Monet : « Tout ce qui est peint sur place a une force, une vivacité de touche qu’on ne retrouve pas dans l’atelier ! »

Au Musée d’Orsay : Paris 1874 : inventer l’impressionnisme, Exposition du 150e anniversaire 1874-2024, du 26 mars au 14 juillet 2024.

Au musée des beaux-arts de Rennes : Caillebotte, Sisley, Boudin et Corot dans les collections permanentes du 1er étage. Entrée gratuite.

Lecture : Caillebotte l’impressionniste, par Marie Berhaut, Bibliothèque des arts, Paris, 1968.