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Musée de Bretagne : Mourir quelle histoire !

La mort nous renvoie à notre destinée, à notre finitude, à la douleur de perdre un être cher… Depuis des millénaires, les hommes s’interrogent sur le mystère de la vie et de la mort : peut-on être heureux, sachant que l’on va mourir ? L’exposition Mourir quelle histoire !, conçue par le Musée de Bretagne et l’Abbaye de Daoulas illustre les rapports que les vivants entretiennent avec la mort et les morts.

L'Ankou fleuri, gravure sur bois de Jean Urvoy, (1898-1989), Musée de Saint-Brieuc ©DR

À travers de nombreuses œuvres et témoignages, elle met en lumière les pratiques culturelles liées aux rituels funéraires et l’inventivité déployée par les sociétés humaines pour faire face à la mort et trouver un sens à la vie.

Et cela sur les cinq continents, du 16e au 21e siècle, avec un éclairage sur la Bretagne : les intersignes (la mort à venir), les rituels pour les morts, le traitement des restes humains, les légendes…

« L’Ankou » est une figure majeure de la mythologie bretonne, très présent dans la tradition orale et les contes de Basse Bretagne. Dans les danses macabres (Kernascléden, Kermaria-an-Isquit), les gravures sur bois et les sculptures (l’Ankou de Ploumilliau,15e siècle),  l’Ankou est  représenté par un squelette parfois drapé d’un linceul, portant une faux emmanchée à l’envers.

Dans son recueil La légende de la mort publié en 1893, Anatole Le Braz voit en lui « l’ouvrier de la Mort » chargé de collecter les âmes des défunts dans sa charrette brinquebalante. Lorsqu’un vivant l’entend, c’est le signe que lui-même ou un membre de son entourage ne va pas tarder de passer de vie à trépas… La mort est une affaire qui concerne tous les vivants.

Memento Mori : Par où tu passes j'ai passé, gravure sur bois,18e, Musée de Bretagne ©DR

Memento Mori : Par où tu passes j’ai passé, gravure sur bois,18e, Musée de Bretagne ©DR

« Mourir et après ? Faire du mort un défunt »

La première partie de l’exposition s’interroge sur le sens des rites funéraires, les rituels et les croyances développés pour accompagner le deuil et apaiser la douleur des vivants, des cérémonies funéraires aux différentes manières de porter le deuil. Autrefois, la mort n’était pas cachée, bien au contraire.

En témoignent les « memento mori » et les placards mortuaires du 18e siècle, rehaussés de squelettes, ou encore les grands drapés noirs à galon et monogramme d’argent sur la porte de la maison du défunt que l’on voyait encore au début des années 1970 à Rennes, une pratique qui avait surpris le peintre britannique Sydney Curnow-Vosper, de passage au Faouët en 1926, au point d’en faire le sujet d’une aquarelle.

Tout aussi spectaculaires : le corbillard à cheval, de la commune de Vignoc, conservé au Musée de Bretagne et les chapes de deuil des prêtres chargés de célébrer les funérailles…

Maison en deuil, aquarelle de Sydney Curnow-Vosper, 1926, Musée du FaouËt ©DR

Maison en deuil, aquarelle de Sydney Curnow-Vosper, 1926, Musée du FaouËt ©DR

« Vers un autre monde ? Faire du défunt un ancêtre »

La mort est-elle la fin de la vie ? Cette seconde partie permet de découvrir les croyances entourant la mort : spiritualité, religions, philosophie. Dans beaucoup de civilisations et de religions, la mort conduit à la séparation de l’esprit et du corps. Celui qui rendait son dernier souffle rendait son âme.

Jusqu’au milieu du 19e siècle, une bougie ou un miroir approchés de la bouche du défunt suffisait à déceler la présence ou non d’un ultime souffle de vie. Quelle vie après la mort ? La variété des représentations de la mort et de l’au-delà est d’une grande diversité, comme ce rouleau de soie japonais de l’ère Taisho (1912-1926) figurant un « yurei » : l’esprit d’une personne ayant quitté son enveloppe charnelle mais n’ayant pas accédé au paradis pour avoir laissé sur terre chagrins, colères et regrets.

« Nous et les morts : garder le souvenir »

Les vivants cherchent à garder un lien avec les défunts. Il ne faut pas les oublier et honorer leur mémoire, d’où ces stèles gravées dans les cimetières de France, ces poteaux funéraires multicolores à Madagascar et toutes ces photographies, images et souvenirs et souvenirs mortuaires (médaillons de cheveux).

Des préoccupations universelles ! Parfois, ce sont les morts qui restent en contact avec les vivants. Les légendes rapportées par Anatole Le Braz montrent ainsi combien la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts est fragile.

De tous les écrivains bretons, il est sans doute celui qui a le mieux percé les secrets de l’âme bretonne. Une multitude de témoignages, de confidences recueillis en Armor et en Argoat.

Mourir, quelle histoire !, labellisée « Exposition d’intérêt national » au Musée de Bretagne

Les Champs Libres, cours des alliées à Rennes, du 16 mars au 22 septembre 2024.
Du mardi au vendredi, de 14 h à 19 h ; samedi et dimanche, de 14 h à 19 h.
Animations : musique, contes et légendes, conférences, ateliers pour tous les âges, visites des cimetières rennais avec Destination Rennes

www.leschampslibres.fr