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Yves Bourlieux, directeur régional des douanes de Bretagne : « Notre objectif est de permettre aux entreprises d’accroître leur compétitivité à l’international »

Lutte contre le trafic de drogue, chasse à la contrebande en tout genre, contrôles aux péages d’autoroute et dans les aéroports, certaines images collent à l’uniforme des douaniers. Il y a toutefois une facette moins connue de l’activité de cet ancien corps militaire, aujourd’hui rattaché au ministre délégué chargé des Comptes publics : son rôle de service aux entreprises. La Douane les accompagne et les conseille dans leurs problématiques d’import - export. En Bretagne, c’est le secteur agroalimentaire et la proximité avec le Royaume-Uni qui font les spécificités des transactions internationales. Yves Bourlieux, à la tête de la direction régionale depuis février 2023, prône l’échange avec les « opérateurs économiques », articulé autour de trois valeurs : proximité, écoute, conseil. Rencontre avec ce Morbihannais d’origine qui compte 270 personnes dans ses effectifs, dont 8 au pôle d’action économique.

Yves Bourlieux, directeur régional des douanes ©Studio Carlito

Yves Bourlieux, directeur régional des douanes ©Studio Carlito

7J : En quoi consiste le rôle des douanes auprès des entreprises ?

Yves Bourlieux : La Douane est l’administration de la frontière et de la marchandise. Nous donnons des conseils sur l’application des réglementations douanières afin de répondre aux besoins de rapidité et de sécurité des entreprises. La pédagogie est nécessaire car les réglementations ne sont pas toujours simples à appréhender. Pour ce faire, la direction régionale compte une cellule-conseil aux entreprises (CCE) au sein du pôle d’action économique. L’objectif est de permettre aux entreprises d’accroître leur compétitivité à l’international par une meilleure appréhension des enjeux douaniers. Nous sommes très attachés à une démarche de conseil, de proximité et d’écoute.

7J : En matière d’import – export, sur quoi intervenez-vous ?

©Studio Carlito

YB : Nous intervenons en matière de paiement des droits et taxes, d’application de régimes douaniers, sur des notions d’origine de produits ou à propos de marchandises dont l’importation peut être limitée ou prohibée… La notion d’origine peut avoir une incidence sur l’application des tarifs douaniers attachée à un produit. Ainsi, selon que le pays producteur d’une marchandise bénéficie ou non d’un régime préférentiel, les taxes d’importation seront plus ou moins élevées. De même, sous certaines conditions, un exportateur breton pourra faire bénéficier ses clients de droits de douane réduits ou nuls, en fonction des accords de libre-échange. La connaissance des régimes douaniers particuliers est à ce titre essentielle. Par exemple, le colin d’Alaska est frappé de plus de 10 % de droits de douane à l’importation. Avec un régime de destination particulière, l’entreprise pourra l’importer en franchise de droit de douane dès lors qu’il est intégré à une préparation faite localement, tels que des plats préparés. C’est important d’expliquer ce à quoi les entreprises peuvent prétendre car certaines s’acquittent parfois de paiement dont elles pourraient être exonérées partiellement ou totalement.
Les procédures douanières peuvent également être simplifiées et adaptées au besoin des entreprises : présentation des marchandises dans les locaux de l’entreprise afin d’éviter les pertes de temps en frontière, dédouanement centralisé avec un seul interlocuteur douanier…

7J : Quelles sont les particularités bretonnes dans votre périmètre d’action ?

YB : En 2022, les échanges extérieurs de la Bretagne représentaient 2,2 % des exportations françaises et 2,1 % des importations. Les secteurs de l’agriculture et des industries agro-alimentaires sont particulièrement dynamiques. Ils représentent 42,7 % du total des exportations bretonnes. Ainsi, une partie non négligeable des échanges internationaux de la Bretagne porte sur des produits soumis à des réglementations sanitaires ou phytosanitaires. Dans ce contexte, le régime douanier de la destination particulière évoqué précédemment est déterminant pour certains secteurs de l’industrie agro-alimentaire bretonne. Le commerce avec le Royaume-Uni occupe également une place importante. Plus de 1 000 entreprises bretonnes exportent ainsi vers le Royaume-Uni, premier débouché à l’exportation hors Union européenne.

En 2022, les échanges extérieurs de la Bretagne représentaient 2,2 % des exportations françaises et 2,1 % des importations. Le secteur agri/agro représente 42,7% des exportations bretonnes.

7J : Peut-on dire que la douane participe au développement de l’attractivité du territoire ? Si oui, en quoi ?

YB : Nos services sont des outils de facilitation et de dynamisation du tissu économique local et régional. La prise en compte des questions de réglementations douanières est essentielle dans tout projet de développement à l’international. La douane n’est donc pas une fonction mineure dans une opération de commerce international. Nous organisons des rencontres Douane – entreprises et sommes dans une démarche d’association avec la Team France Export, Business France, BPIfrance et Bretagne Commerce international sans oublier les conseillers du commerce extérieur bretons. Nous organisons également des « cafés douane », des Matinales de l’export ou des webinaires sur des thématiques douanières.

7J : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le statut d’opérateur économique agréé (OEA) ?

YB : Obtenir le statut d’OEA, c’est, au terme d’une démarche commune douane-entreprise, recevoir un label de confiance douanier européen, reconnu sur la scène internationale. En Bretagne, 87 entreprises bénéficient de ce label. L’agrément prévoit un volet sûreté et un volet de facilité douanière. L’aspect sûreté est une des conséquences des événements de septembre 2001. L’entreprise s’engage à sécuriser ses locaux et ses flux suite à un audit. Sur la partie dédouanement, les entreprises s’engagent sur des process liés à leurs opérations d’import-export. En contrepartie, sous réserve de répondre aux critères requis, elles peuvent bénéficier de facilités en matière de procédures douanières ou de niveau de vérifications en bénéficiant de l’application d’un plafond de contrôle ou de la possibilité d’un dédouanement en un lieu désigné. La qualité d’OEA est un outil pour créer de la confiance et travailler en concertation avec les milieux économiques. D’ailleurs, suite à ma nomination, mon premier déplacement a consisté à remettre un certificat d’OEA à trois entreprises du Pays de Saint-Malo : deux acteurs du secteur agroalimentaire et une société de biotechnologies.

La Bretagne compte 87 opérateurs économiques agréés.

©Studio Carlito

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7J : Quel accompagnement des entreprises proposez-vous dans le marquage Made in France ?

YB : Déterminer l’origine d’un produit n’est pas toujours évident, hormis le cas où il est fabriqué dans un seul pays. Or, beaucoup d’articles sont transformés ou fabriqués à partir d’éléments de multiples origines. Le marquage porté sur les produits et leurs emballages doit respecter les règles de détermination de l’origine fixées par le code des douanes de l’Union et ne doit pas induire le consommateur en erreur. Ces règles européennes peuvent paraître complexes, d’autant que les critères varient pour chaque type de marchandise. Il faut donc réaliser un diagnostic au cas par cas.

7J : Dès lors qu’un consommateur voit un label Made in France sur un produit, ce label a été validé par la Douane ?

YB : Pas nécessairement. La douane propose une procédure permettant de savoir si un marquage « Made in France » est possible : l’Information sur le Made in France (IMF). Cette procédure peut être utilisée pour les produits commercialisés en France ou bien exportés mais toutes les entreprises qui affichent un logo « Made in France » n’ont pas fait la démarche.

7J : Sur le volet économique de votre activité, comment envisagez-vous l’aspect répressif ?

YB : Nous savons faire la différence entre une erreur et une fraude. Nous admettons l’erreur et prônons l’échange. Les entreprises sont de manière générale sincères et je saisis mal l’intérêt à frauder. En revanche, il est essentiel de respecter la réglementation douanière communautaire. J’invite à ce titre les entreprises à nous contacter et ne pas attendre d’être en difficulté.

7J : Les douaniers sont, au même titre que toutes les autres professions, concernés par les mutations numériques.

YB : Le développement exponentiel du e-commerce a conduit à des adaptations de nos interventions. La dématérialisation des déclarations de douane s’imposera également de plus en plus. Nous sommes confrontés à une massification toujours plus grande des données issues du commerce international, témoins de la mondialisation des échanges. Ces réalités induisent forcément une évolution de nos métiers.

 

Questions bonus

Une passion ? « La Thaïlande, pays que j’ai découvert grâce à de la famille qui vivait là-bas. Quand vous abordez la Thaïlande, vous découvrez un pays très attachant. Je suis profondément touché par la spiritualité qui se dégage de ses temples et par la gentillesse des Thaïlandais. »
Un lieu ? « Dans le Finistère Nord, j’aime particulièrement deux endroits : le port de Moguériec et la plage des Amiets à Cléder, les couleurs de l’eau et du sable ressemblent à celle des plages thaïlandaises. »
Un livre ? « Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson. Pour partir six mois sur les rives du lac Baïkal en hiver, il faut avoir beaucoup de ressources en soi. »
Une musique ? « Le Requiem de Puccini »
Un plat ? « La street food thaïlandaise ! »