Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Brasserie Lancelot : Une légende bretonne 

La célèbre marque de bières Made in Breizh n’en finit pas de mousser. Elle fête cette année les 30 ans de sa tête de gondole, la Telenn Du. Une bière de blé noir qui célèbre la Bretagne, son terroir et le goût des choses bien faites. Jamais de faux col pour la brasserie la plus célèbre de Bretagne. Le modèle économique est solide et la quête de l’innovation est plus qu’un Graal… Dans le Phare Ouest des producteurs de bières et de softs, la brasserie Lancelot met le feu au lac.

Marc Vaitilingom (maître-brasseur) et Laurent Guillet (responsable des boissons) ©7J-Carl Denot

Marc Vaitilingom (maître-brasseur) et Laurent Guillet (responsable des boissons) ©7J-Carl Denot

Si les Chevaliers se réunissaient aujourd’hui, on trouverait certainement sur la Table Ronde un bock de bière Lancelot ou un Tonic façon Ginger. La Brasserie Lancelot fait feu de tous grains : Breizh Cola, Breizh America, Morgane, Cidres Kerisac, Blanche Hermine, Duchesse Anne… Au total, ce sont 14 M€ de chiffre d’affaires en 2021 pour les bières et 10 M€ pour les sodas ! La brasserie Lancelot est un véritable succès industriel et commercial. Cela n’empêche nullement ses dirigeants de partager leurs passions tout en développant l’entreprise. Mais attention, toujours avec des valeurs respectueuses de l’humain et de l’environnement.

Bernard Lancelot a eu un véritable coup de coeur en 1990

La brasserie est cachée dans les méandres forestières du Roc Saint-André (Morbihan), au lieu-dit La mine. Les gens du coin aiment à l’appeler la Mine d’or même s’il ne s’agit que d’une mine d’étain. Mais c’est comme un hommage au breuvage doré. Et puis que serait la Bretagne sans ses légendes ? Adossées aux ruines de l’ancienne mine, trônent aujourd’hui fièrement la brasserie et ses installations gargantuesques. Un mélange des genres harmonieux. L’ensemble industriel s’intègre parfaitement à son environnement. « C’est sur ce site de la Mine d’or que Bernard Lancelot a eu un véritable coup de coeur en 1990, explique Laurent Guillet, responsable de la branche boissons. C’est ici que l’ancien ingénieur nucléaire et apiculteur passionné a décidé de remettre la cervoise historique au goût du jour. En 2000, il sait que c’est ici que tout va se passer. Le site est défriché, les premières bières voient le jour et le Breizh Cola ne tarde pas à mousser sous la houlette des deux repreneurs de Bernard Lancelot, Éric Ollive et Stéphane Kerdodé. »

 « Ils décident alors de faire un co-voiturage industriel… »

Lancelot rejoint la coopérative agricole Agrial

En 2010, les deux anciens stagiaires et futurs repreneurs décident de développer les recettes de Bernard Lancelot et de rejoindre la coopérative Agrial par le biais de la cidrerie Loïc Raison. « Ils décident alors de faire un co-voiturage industriel, détaille Laurent Guillet. Ils se sont dit, « nous on a des bouteilles plastiques pour le cidre et vous pour le Breizh Cola. Pourrait-on avoir un outil en commun pour faire nos bouteilles ? » C’est ainsi que nous nous sommes trouvés réunis. Ici les bières; à Domané (35), les softs. » En 2021, Éric et Stéphane se séparent de l’enseigne et Agrial se porte naturellement acquéreur. La branche boissons de la coopérative agricole est alors créée et porte à sa tête Laurent Guillet, cidrier de père en fils depuis 4 générations (Établissements Guillet Frères, mieux connus sous le nom de Kerisac).

Des ambitions revues à la hausse

L’année 2021 marque un tournant importantissime pour la Brasserie. En même temps qu’elle change de mains, elle fait appel à un nouveau directeur, également maître brasseur, Marc Vaitilingom. « Je suis zythologue depuis 25 ans, confie-t-il, sourire en coin. Et oui, il ya les œnologues pour le vin et les zythologues pour la bière… Bref, le groupe a fait appel à moi pour mener à bien un nouveau projet. » Les ambitions de la Brasserie sont revues à la hausse. « Il y a 30 ans, il n’y avait que 3 brasseries en Bretagne, aujourd’hui on en compte plus de 300, précise Laurent Guillet. Et s’ils sont si nombreux, c’est qu’il y a du potentiel ! D’ailleurs, sur les 5 dernières années, nous n’avons pas cessé de progresser. »

 … atteindre la production maximale de ce superbe site sans le dénaturer 

Doubler la production et poursuivre la croissance

Premier chantier pour les repreneurs : améliorer les capacités de production. « Je suis arrivé avec un projet bien ficelé pour doubler la production et poursuivre la croissance de la brasserie, dit Marc. En fait, je me suis fixé comme objectif d’atteindre la production maximale de ce superbe site sans le dénaturer, d’autant plus que c’est une installation classée Production par la Dréal depuis 2004. » Deux vagues d’investissements suivront : en 2021, 2 M€ sont engloutis par la nouvelle ligne d’embouteillage et, en 2022, 3 M€ sont consacrés à la salle de brassage et les nouvelles cuves.

Le site de la Mine d'or intégré à la brasserie sera entretenu comme un patrimoine historique ©7J-Carl Denot

Le site de la Mine d’or intégré à la brasserie sera entretenu comme un patrimoine historique ©7J-Carl Denot

Même si les contraintes pour rester sur ce site étaient énormes, c’est un vrai travail de maître brasseur que j’ai fait

La surface au sol étant limitée, il a fallu gagner en hauteur

Mais il ya un hic. Sur la superficie d’1,3 hectare du site, 80% sont déjà occupés. Il faut gagner en hauteur. Les plafonds sont alors repoussés au maximum et les grandes cuves peuvent désormais produire 140 000 hectolitres de bières (14 M de litres). « Le pari sera réussi à la fin de l’année 2023, se félicite le directeur. Même si les contraintes pour rester sur ce site étaient énormes, c’est un vrai travail de maître brasseur. Il n’y a pas que la chimie dans mon métier, il y a aussi l’ingénierie de production qui définit les réelles capacités de production et le processus industriel qui l’accompagne. » De la petite bière pour celui qui a déjà travaillé en Belgique sur l’augmentation d’une production de 45 000 hectolitres à 100 000 ou en Afrique de 350 000 hectolitres à 500 000…

Bernard Lancelot était un amoureux de la nature (…) nous sommes très attentifs à ce que ce site reste un joyau.

Passer de 50 à 71 salariés

Le doublement de la production est aussi rendu possible par le recrutement de collaborateurs, en nombre suffisant et bien formés. « Nous étions un peu moins de 50 quand je suis arrivé, rappelle le directeur. Aujourd’hui nous sommes 71 et une dizaine d’embauches est encore prévue d’ici à la fin de l’année. Nous avons également modifié notre mode de fonctionnement en passant de 2 à 3 équipes en 3×8 pour le conditionnement et à 3 équipes pour la partie brasserie. » Il n’y a plus de goulot d’étranglement dans la partie production de la brasserie. La partie commerciale a également été repensée pour vendre deux fois plus de fûts et bouteilles aux grossistes et aux détaillants.

Doubler la production tout en économisant la ressource en eau

« Malgré le doublement de la production, nous ne voulons pas faire de ce site un site industriel stricto sensu mais un site intégré dans son environnement, prévient Marc. C’est même l’ADN de notre brasserie. N’oublions pas que Bernard Lancelot était un amoureux de la nature et que nous souhaitons poursuivre dans cette lancée. C’est la raison pour laquelle nous sommes très attentifs à ce que ce site reste un joyau. » Outre la préservation et la réhabilitation du patrimoine architectural de l’ancienne mine avec la commune et une association locale, la ressource en eau fait l’objet de toutes les attentions. Sachant que pour 1 litre de bière, 4 litres d’eau sont nécessaires dont 3 litres sont finalement rejetés, la question est cruciale, surtout pour un brasseur. 

Sécheresse et restrictions d’eau

 on peut économiser jusqu’à 90% d’eau ! C’est du jamais-vu

« À l’été 2022, nous avons grandement souffert des restrictions de -25% imposées par la préfecture et notre plan de croissance a failli devenir caduc, précise Marc Vaitilingom. Mais nous savons rebondir. Nous avons été la première brasserie au monde à expérimenter la réutilisation de l’eau de nettoyage retraitée (hors boisson, NDLR), soutenue par l’Agence de l’eau, la Dréal et la CCI du Morbihan. En théorie, on peut économiser jusqu’à 90% d’eau ! C’est du jamais-vu. » Pour obtenir un tel ratio d’eau réutilisée, la brasserie emploie une technologie d’une société française installée à Montpellier, la même qui équipera les services des eaux usées des JO de Paris 2024. L’Agence régionale de santé analyse actuellement les risques sanitaires d’une telle procédure avant de la valider et de l’étendre à l’ensemble des industriels… On devrait y voir plus clair d’ici à la fin de l’année.

 Au final, c’est le consommateur qui fait le choix. Et s’il accompagne la Morgane ou la Telenn Du, ça nous va.

La consigne à l’étude

Chevaleresque, le brasseur avance malgré les crises successives. Avec la guerre en Ukraine, les prix de l’orge brassicole ont augmenté de 60%, les coûts de l’énergie explosent et, avec eux, ceux du verre. « La consigne, c’est un vrai sujet chez nous, annonce Laurent Guillet, même si ce n’est pas si simple que ça à mettre en oeuvre. D’autant plus qu’avec le renchérissement des prix des carburants, au-delà de 200 km, il est plus rentable de perdre la bouteille. La hausse des prix est partout, reconnaissent en chœur les deux compères ! Nous avons procédé, cette année, à deux hausses des prix successives. En 28 ans, je n’ai jamais vu ça, confie Laurent Guillet. Mais il faut bien s’adapter. La variation des prix du fût en est une bonne illustration : il coûtait avant guerre entre 62 et 67€; il est passé à 110€ puis redescendu à 82-87€. Mais au final, c’est le consommateur qui fait le choix. Et s’il accompagne la Morgane ou la Telenn Du, ça nous va. » L’avenir se présente bien car la brasserie a même du mal à répondre à la demande. De toute manière, chez Lancelot, on n’aime pas les coups d’épée dans l’eau. Yec’hed mat*

*Santé (en Breton), avec modération

5 questions qui brassent

©7J-Carl Denot

©7J-Carl Denot

Marc Vaitilingom

  • Votre boisson préférée ? La Blanche Hermine IPA.
  • Un hobby / Une passion ? Le basket ball.
  • Un paysage emblématique ? La Pointe des Châteaux en Guadeloupe.
  • Une musique qui vous revient sans cesse ? La musique nigériane.
  • Pour vous, le Morbihan, c’est ? Une terre d’accueil.
©7J-Carl Denot

©7J-Carl Denot

Laurent Guillet

  • Votre boisson préférée ? Le cidre brut.
  • Un hobby / Une passion ? La pêche, partout, tout le temps.
  • Un paysage emblématique ? Un paysage de rivière… la Vilaine au soleil couchant.
  • Une musique qui vous revient sans cesse ? La musique bretonne du genre Matmatah.
  • Pour vous, le Morbihan, c’est ? Mon département d’adoption.