Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Le nouveau premier président de la Cour d’appel de Rennes donne le ton

Le haut magistrat Jean-Baptiste Parlos, nouveau premier président de la Cour d’appel de Rennes a été installé dans ses fonctions vendredi 13 janvier. Au centre de son discours, les difficultés que traverse l’institution judiciaire.

Le nouveau premier président de la Cour d'appel a été installé lors de l'audience de rentrée du 13 janvier. ©Studio Carlito

Le nouveau premier président de la Cour d'appel a été installé lors de l'audience de rentrée du 13 janvier. ©Studio Carlito

Le verbe ciselé. Le ton ferme. Ce matin-là, le nouveau premier président de la Cour d’appel de Rennes impose sa teinte, à l’image de Pierre Soulages qu’il cite « Même dans l’outrenoir, il y a de la lumière ». S’il concède avoir « l’espérance » que « pour l’institution judiciaire, le ciel s’éclaircisse », le magistrat dépeint une justice en proie au manque de ressources. Ce haut magistrat de 61 ans a été nommé premier président de la Cour d’appel de Rennes dont le ressort compte les cinq départements de la Bretagne historique. Le deuxième de France en termes de population. La cinquième en termes d’activité. Devant un parterre composé de toutes les huiles rennaises, il succède ainsi à Xavier Ronsin, devenu conseiller justice de la présidence de la République depuis septembre 2022.

Son parcours

Jean-Baptiste Parlos a mis au coeur de son discours d'installation les difficultés que traverse l'institution judiciaire ©Studio Carlito

Jean-Baptiste Parlos a mis au coeur de son discours les difficultés que traverse la justice ©Studio Carlito

Arrivé dans la capitale bretonne le 2 janvier, après avoir quitté la Cour d’appel de Reims, Jean-Baptiste Parlos prend ses fonctions et, dans le même temps, visite des logements « par WhatsApp », glisse-t-il dans un demi-sourire en marge de la cérémonie. « Je n’ai pas vraiment le temps de réfléchir ». Façon de parler pour ce magistrat au parcours brillant. Il a présidé des procès emblématiques et périlleux. Celui de l’Erika en 2007. Il est d’ailleurs à l’origine de la notion de « préjudice écologique », une création jurisprudentielle qui a fini par être insérée dans la loi. Ou encore celui de l’Angolagate, en 2008, devant le tribunal correctionnel de Paris. Ces dernières années, il a endossé la fonction de conseiller à la Cour de cassation, chambre criminelle. Il a été élu, en janvier 2018, président de la Cour de justice de la République. Cette juridiction d’exception juge les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Il a notamment présidé le jugement des poursuites exercées contre Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des Sceaux.

La justice en « état de délabrement avancé »

Dans son discours d’installation, Jean-Baptiste Parlos ne manque pas de rendre hommage au Parlement de Bretagne. Mais la nuance se fait sans attendre. « La magnificence des lieux ne peut nous égarer. Par un effet de contraste saisissant, elle dessine, de façon plus nette encore et peut-être plus cruelle, les contours de la réalité. » La mine grave, il amorce une longue citation du rapport émanant du comité des États généraux de la justice « qui ont confirmé l’état de délabrement avancé dans lequel l’institution judiciaire se trouve aujourd’hui. (…) un point de rupture semble avoir été atteint à l’occasion de la crise sanitaire ». Après avoir égrené les paragraphes qui témoignent du « malaise que traverse la justice », il mentionne les réformes qu’il compare à « des rustines visant à colmater les brèches ». Et d’ajouter : « pour ambitieuses qu’elles aient été, ont failli non dans leurs objectifs immédiats (…), mais dans leur quête de réhabilitation du fonctionnement de la justice », car elles n’ont « le plus souvent pas été abordées de façon suffisamment systémique ». Concluant son tableau « déjà bien obscur » en forme de lamentation « Pourquoi, et durant si longtemps, n’avons-nous pas été entendus ? »

  « Pourquoi, et durant si longtemps, n’avons-nous pas été entendus ? »

+ 1,4 milliard d’euros pour la justice et des lueurs d’espoir

Le chef de cour se veut malgré tout optimiste. Après avoir souligné que « la justice ne s’est pas effondrée » , il se fait l’écho d’une « lumière » : « Jamais la mission du juge n’a été aussi large. (…) Par un retournement inattendu dont l’histoire a parfois le secret, le juge, qu’il soit d’ailleurs administratif ou judiciaire, est devenu juge de la loi. » Le haut magistrat fait ainsi référence à la prérogative du juge de soumettre à l’éventuelle censure du Conseil constitutionnel une loi dont il estime qu’elle pourrait être contraire à la Constitution.

Puis, il évoque le plan d’action présenté le 5 janvier par Eric Dupont-Moretti, garde des Sceaux. Plan qui prévoit une hausse du budget de la justice de 9,6 à 11 milliards d’euros en 2027 avec des promesses d’embauche de 10 000 fonctionnaires (dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers). Sans attendre ces dispositions nationales, il entend « déployer toutes les mesures régionales possibles » afin de préserver et d’améliorer la santé et la vie au travail de ses équipes.
Car Jean-Baptiste Parlos ne cache pas son aspiration profonde à ce que « pour l’institution judiciaire le ciel enfin s’éclaircisse. » Et de clore par un brin d’humour : « Mais ne m’a-t-on pas dit qu’il arrive souvent, plusieurs fois par jour, que le ciel s’éclaircisse en Bretagne ? »

Des magistrats et fonctionnaires ont été installés dans leurs fonctions lors de l’audience solennelle. Aurore Carpentier est nommée vice-présidente à la cour; Stéphanie Philippe devient vice-présidente placée du premier président de la Cour d’appel de Rennes;  Marie-France Daups, est nommée conseillère à la cour; Anne-Laure Luraine-Rob, devient directrice de greffe; Perrine Ponchaud, est nommée directrice des services de greffe en charge des ressources humaines. ©Studio Carlito

Des magistrats et fonctionnaires ont été installés dans leurs fonctions lors de l’audience solennelle. Aurore Carpentier, vice-présidente à la cour; Stéphanie Philippe, vice-présidente placée du premier président; Marie-France Daups, conseillère à la cour; Anne-Laure Luraine-Rob, directrice de greffe; Perrine Ponchaud, directrice des services de greffe en charge des ressources humaines. ©Studio Carlito