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Entretien avec Pierre Jacobs, directeur Orange Grand Ouest : L’entreprise Orange, un pan du patrimoine breton

Fibre, cloud, cyber, 5G, Orange pose le socle de nos quotidiens hyper-connectés, tout en considérant son impact environnemental et sociétal. Orange c’est 17 000 salariés dans le Grand Ouest, dont 8000 en Bretagne, territoire historique pour ce leader des télécoms. L’entreprise fait partie du patrimoine breton, et l’essor de la cybersécurité accentue encore cette affinité.

Pierre Jacobs, directeur Orange Grand Ouest

Pierre Jacobs, directeur Orange Grand Ouest ©Studio Carlito

A Rennes depuis décembre 2015, Pierre Jacobs est d’abord directeur du Groupe Orange pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, puis dès 2019 directeur Grand Ouest, lors du regroupement avec les régions Normandie et Centre-Val de Loire. Six années à ce poste de direction, c’est un long mandat, il pourrait se voir proposer dans les prochains mois un nouveau challenge au sein du Groupe. « Bien sûr, après 6 ans, d’autres perspectives doivent arriver. Mais il faut d’abord déterminer à quoi ce changement peut-être utile. »

45 ans, la moitié chez Orange

Originaire de Metz en Lorraine, fils de professeurs, petit-fils d’institutrices, Pierre Jacobs porte en lui cette notion d’intérêt général, de service public. Après Khâgne à Henri IV, il passe par Sciences Po Paris, y soutenant un mémoire sur l’évolution du secteur des télécommunications : c’était en 1997, on était encore loin des smartphones et des fichiers déposés dans le cloud… Cette même année l’entité Orange n’existe d’ailleurs pas encore. France Télécom est un exploitant public et se prépare à l’ouverture à la concurrence en devenant une Société Anonyme. Pierre Jacobs entre chez Orange en 1999, après un passage à l’École Nationale Supérieure des Postes et Télécommunications. Cela fait donc 23 ans qu’il évolue dans ce Groupe et qu’il nourrit son goût du management, au fil des postes et des mutations sur le territoire français. « À 23 ans, je manageais un service de 300 personnes. Et c’est vrai que ce qui m’intéresse absolument c’est l’aventure humaine, cette capacité à accompagner.»

Révolution perpétuelle

L’ouverture à la concurrence, les évolutions réglementaires, les innovations technologiques, du minitel au smartphone, de l’ADSL à la fibre optique, les changements dans ce secteur des télécoms sont fulgurants, et perpétuels. « Je suis au cœur d’un secteur qui évolue très vite et c’est passionnant. Aujourd’hui Orange c’est aussi une banque, un positionnement cyber, la connectivité des objets à la maison… c’est bouleversant, et très exigeant ! Cela va très vite, moi qui n’aime pas trop m’assoir, cela me va. »

Pierre Jacobs, directeur Orange Grand Ouest

Pierre Jacobs, directeur Orange Grand Ouest ©Studio Carlito

Cyber & Cloud

« Le groupe a développé de nombreux pôles ces dernières années, dont celui de la cyberdéfense en entreprise, avec l’ambition d’être leader européen. Orange cyberdéfense s’est fortement développé en Bretagne, nous avons doublé nos effectifs en 5 ans, on compte par exemple 400 experts à Rennes. » Sécuriser son VPN ou réseau intra-entreprise, pour éviter les vols de données et les rançons, est devenu une préoccupation première. « Bien sûr la crise covid et le télétravail ont accéléré la prise de conscience de la nécessité de sécuriser ses réseaux. » Et Orange a développé ses services. « Nous pouvons héberger les serveurs d’entreprises. Nous ouvrons trois sites d’hébergement de données ou data-center (2 près de Rouen et 1 près de Chartres). L’hébergement des données, ultra-sécurisé, avec maintenance et expertise, et en France, c’est un marché en développement et un enjeu pour Orange. » Autre offre pour se prémunir de piratage : l’audit, qui permet de détecter les failles d’un système. « Nous venons aussi d’ouvrir une offre Cyberfiltre à destination de petits clients professionnels, permettant un premier filtre de virus et d’interceptions extérieures. Cela a beaucoup de succès. »

Aujourd’hui, Orange c’est aussi une banque, un positionnement cyber, la connectivité des objets à la maison… c’est passionnant !

Économie d’énergie et reconditionnement

« Le Groupe s’est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2040, anticipant de 10 ans les objectifs en France. Tout d’abord, plus de réseau cuivre à horizon 2030, il n’y aura plus qu’un seul réseau : la fibre, c’est autant d’énergie en moins consommée. Par ailleurs, la 5G consomme aujourd’hui deux fois moins que la 4G, et nous travaillons (avec le constructeur Nokia) pour que ce soit 10 fois moins. Autre point important : la moitié de l’empreinte carbone mondiale est liée aux terminaux (smartphones, box, ordinateurs). Or 80% de leurs composants sont réutilisables, nous avons donc lancé une campagne de récupération des portables qui dorment au fond des tiroirs, pour du reconditionnement, et réduire les déchets électroniques. Nous commercialisons également un téléphone sous marque Orange, comprenant 20 % de composants recyclés et qui peut se réparer. Une véritable chaîne vertueuse qui est lancée, dans un contexte d’explosion des données envoyées, reçues, stockées. »

Une sensibilité artistique

L’art contemporain : « L’art permet de voir les choses différemment, de rentrer dans ce qui n’est pas soi. C’est précieux ! Je suis amateur d’art contemporain, et collectionneur. Je pense à l’artiste choletais François Morellet, et à la galerie Oniris à Rennes qui a été une des premières à vendre du François Morellet. C’est une galerie phare, qui présente actuellement Véra Molnar une artiste minimaliste. J’aime aussi Claude Viallat, Jacques Villeglé. J’aime l’art contemporain conceptuel et minimaliste, et au-delà de l’émotion que suscite une oeuvre cela m’intéresse de suivre la démarche de l’artiste. »

Le théâtre : « J’ai dû aller 15 années au festival d’Avignon ! Je repense par exemple à cette pièce « Je suis sang » de Jan Fabre, chorégraphe, auteur, plasticien, metteur en scène. Je pense aussi au travail du comédien et metteur en scène Arthur Nauzyciel, actuel Directeur du TNB à Rennes. J’aime beaucoup, théâtre et danse, même si je n’ai plus assez de temps à y consacrer ! »

Recrutement & formation

« Nous recrutons en permanence, les pénuries de candidats se font plutôt ressentir sur les métiers de services et de relation client (on compte 115 boutiques Orange dans l’Ouest). En revanche, il est aujourd’hui plus simple de recruter des experts cyber à Rennes et Nantes qu’à Paris : de par les projets cyber développés en Bretagne et le cadre de vie. Orange fait aussi la part belle à l’alternance, un recrutement en CDI sur deux est un alternant formé au sein du groupe. Nous avons des liens forts avec la communauté éducative : IUT de Saint-Malo, à Rennes l’Insa et Esir, l’Ensatt à Lannion, l’IMT Atlantique… »

Rennes

« Le lien avec le territoire et l’écosystème est important pour moi, comme pour toute l’équipe de direction de 25 personnes. À Rennes Métropole on compte 5300 salariés, dont beaucoup de cadres ou cadres supérieurs. Si l’on est entraîné par l’attractivité de Rennes, Orange est aussi moteur de cette attractivité ! Ce que j’apprécie ici est la force de mobilisation, dirigeants, élus, universitaires, tous ont la capacité de se rejoindre au-delà des différences, dans l’intérêt général. C’est très fort en Bretagne. Il y a aussi cet esprit de challenge qui explique que ce soit une terre d’innovation. J’y trouve également un respect de l’altérité de la diversité… cela fonctionne plutôt bien. De toute façon, je garderai de cette ville et de cette région un regard particulier, car mes deux jeunes enfants y ont grandi ! »

L’art permet de voir les choses différemment, de rentrer dans ce qui n’est pas soi. C’est précieux.

La politique ?

Il a été conseiller du 18e arrondissement de Paris, de 2008 à 2014 (sous Daniel Vaillant et Bertrand Delanoë), où il a d’ailleurs côtoyé Cédric O l’actuel secrétaire d’État au numérique ! « Ce chapitre politique est clos. Il est de toute façon difficile de conjuguer ce temps d’élu avec un autre travail.