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Leocare, dans la matrice des néo-assureurs

Fondée en 2017, près de Rennes, Leocare dépoussière l’assurance. L’ambition pour cette entreprise qui revendique ses racines bretonnes : proposer une assurance auto, habitation, moto et smartphone, plus agile et accessible. Au-delà de leur modèle économique dans un univers régulé, Christophe Dandois et Noureddine Bekrar, les cofondateurs, sont conscients qu’il faut impulser des changements profonds pour assouplir les règles du marché traditionnel. Assurance embarquée, partenariat avec un constructeur automobile, disparition de la carte verte, digitalisation du permis de conduire… les défis sont grands. Ces experts du digital, anciens de chez Niji, ont les yeux rivés vers le futur. Décryptage des enjeux de demain pour la scale up bretillienne.

Noureddine Bekrar et Christophe Dandois, fondateurs de l'assurance en ligne Leocare

Noureddine Bekrar et Christophe Dandois, fondateurs de l'assurance en ligne Leocare. ©studio-carlito

L’ambiance est studieuse dans l’open space de la néo-assurance, situé dans le nouveau quartier Viasilva. 80 % des 140 salariés travaillent à Cesson-Sévigné. Le service clients, les développeurs, les fonctions support également.  « Notre fierté : devenir un acteur du territoire qui a de l’impact et construit de la valeur en Bretagne. Depuis le début, nous avons foi en la Bretagne, en son réseau et son tissu technologique. » Pour « recruter breton », Leocare a même noué des partenariats : avec sa voisine, l’école 301, mais ausi Zenika academy qui forment les futurs collaborateurs de l’assureur, dans un parcours de formation sur-mesure. Une manière de contrer la pénurie de recrutement dans les milieux assurantiel et tech.

Le reste de l’effectif se trouve à Paris. « Il est plus facile de trouver des compétences en marketing B to C à Paris qu’ici », éclaire Christophe Dandois.

« Notre fierté : devenir un acteur du territoire qui a de l’impact et construit de la valeur en Bretagne. »

Un modèle en croissance

Pour Leocare, les résultats sont là : 100% de croissance entre 2021 et 2022. 44,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 : l’objectif en 2021 était de 100 millions d’euros mais une crise économique mondiale est passée par là… Et 160 000 clients. Sans compter les levées de fonds, dont un tour de table record à 133 millions de dollars il y a deux ans.

La répartition de leur portefeuille est similaire à celle du marché français : 75 % de contrats auto, 20 % d’habitation et le reste en contrat smartphone et autres. Les clients proviennent en majorité de l’acquisition directe mais le B to B to C tend à se développer. Leocare a récemment développé un maillage de plus de 200 courtiers partenaires à travers la France. Objectif : 1 000 courtiers d’ici à la fin de l’année. Des développements à l’international sont dans les tuyaux. La néo-assurance travaille sur son implantation en Espagne, « le lancement devrait être effectif fin 2023 – début 2024. » La société espagnole est l’une des plus digitalisée d’Europe de part ses usages et son taux d’équipement ; cependant, elle reste encore peu dotée d’assurances 100 % en ligne.

La demande d’agrément ?

À ce jour, Leocare est courtier gestionnaire (MGA), autrement dit la société co-construit les produits, les distribue, gère les sinistres et le risque est porté par des partenaires assureurs ou réassureurs.  Allianz, Axa, Generali et Wakam en l’espèce. Si aucun agenda n’est confirmé par les dirigeants, la suite logique, pour cette scale up ambitieuse, pourrait bien être l’acquisition de l’agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), pour pouvoir assurer une partie de son portefeuille avec l’intégralité de la chaîne de valeur de l’assurance.

« Nous sommes en plein processus d’acquisition de l’agrément »

Vers un changement de paradigme

L’assurance est un des rares produits dont l’usager ne connaîtra la rentabilité qu’en cas de pépin. Difficile parfois donc de se projeter dans l’enjeu réel de cette obligation législative. Chiffres à l’appui. D’après l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, 800 000 Français rouleraient sans assurance auto ou deux-roues (80% d’hommes et 61% ont moins de 35 ans). Dans un contexte inflationniste, 27 % des conducteurs se disent prêts à faire l’impasse sur l’assurance auto. Ce chiffre grimpe à 36 % chez les 18-34 ans, selon une étude de Leocare.

Un nœud auquel Christophe Dandois et Noureddine Bekrar ont décidé de s’attaquer. « Nous faisons tout pour apporter du service dans le monde de l’assurance. Cela suppose un changement de paradigme, nous ne pouvons plus être une assurance de commodité. Nous devons être une assurance sociale qui répond aux enjeux d’usage voulus par la société », expose Christophe Dandois.

« D’après l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, 800 000 Français rouleraient sans assurance auto ou deux-roues »

Flexibilité et prévention

Si la croissance de Leocare est portée par l’élargissement régulier de la gamme de produits, incluant notamment les nouvelles mobilités, l’assureur doit aussi ses performances à la flexibilité de ses contrats. « Nous avons éprouvé le système pendant le Covid: les clients ont pu moduler leurs garanties et faire des économies », explique Christophe Dandois. Pour Noureddine Bekar, cette capacité à personnaliser et à offrir de l’autonomie aux clients est un des enjeux de demain pour les assureurs.

Autre paramètre du modèle : la prévention. Les deux hommes en ont fait leur dada. « L’assureur traditionnel intervient après le sinistre. Nous voulons éviter, autant que possible, les sinistres. » Leocare propose de plus en plus d’outils de prévention. L’application TakeCare prédit les risques sur la route pour le conducteur en croisant des milliers de données et l’alerte à l’aide d’une notification vocale. Ou encore, « 7 % des accidents routiers mortels sont dus à des pneus défectueux. Nous proposons, avec l’envoi de quatre photos, de faire un diagnostic sur l’usure des pneus et leur compatibilité avec un trajet. »

L’assurance 3.0

Les entrepreneurs sont sans cesse sur le coup d’après. « Augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, inflation, produits de plus en plus technologiques, changements dans les mobilités : ce sont autant de mouvements irrémédiables pour le secteur de l’assurance. Dans ce contexte, comment réussit-on à maintenir un mouvement français ? », questionne Christophe Dandois. Et d’ajouter : « L’assureur doit être en amont et de plus en plus. Pour l’assurance auto, nous travaillons sur la question de l’embarqué, « mobility as a service », ce qui suppose des partenariats stratégiques avec des constructeurs. Nous annoncerons très prochainement un partenariat avec un constructeur asiatique de véhicules électriques. »

« Nous annoncerons très prochainement un partenariat avec un constructeur asiatique de véhicules électriques »

Le travail de lobby pour numériser le secteur

Et il n’y a pas qu’avec les constructeurs automobiles que les deux entrepreneurs ont engagé des échanges. Pour « disrupter » le marché, selon l’expression prisée de l’écosystème, ils ont pris leur bâton de pèlerin pour prêcher auprès des pouvoirs publics en faveur de la dématérialisation de la carte verte et du permis de conduire. L’enjeu ? La portabilité assurantielle. « Généraliser la dématérialisation et, notamment, la mise en place d’une base unique facilitera le changement d’assurance du côté des assurés et redonnera du pouvoir d’achat », explique Christophe Dandois.

La dématérialisation de la carte verte devrait voir le jour courant 2024. Concernant le permis, autre paire de manche : « Au-delà de la possibilité d’avoir son permis de conduire sur son smartphone, il faut envisager la dématérialisation du relevé d’information, qui permettrait, comme en Espagne ou au Maroc, d’avoir accès à tout l’historique d’assurance du conducteur et permettre de réduire la fraude et redonner du pouvoir d’achat aux assurés. En France, nous sommes très en retard sur la digitalisation de l’assurance par rapport à la majorité des pays européens. »

« Généraliser la dématérialisation et, notamment, la mise en place d’une base unique facilitera le changement d’assurance du côté des assurés et redonnera du pouvoir d’achat »

Bonus

Une personne qui vous inspire ?
Christophe Dandois : « Elon Musk. Au-delà de faire des choses incroyables, c’est le modèle avec lequel c’est fait qui est passionnant. »

Qu’est-ce qui vous fait vraiment vibrer ?
Noureddine Bekrar : « Avoir de l’impact, créer des emplois, être reconnu comme un acteur sérieux. »
Christophe Dandois : « L’engagement sociétal, être proche des gens, avoir un impact positif et la volonté d’exemplarité. »

Dans quelles jeunes pousses auriez-vous envie d’investir ?
En choeur : « Nous voyons plein de boîtes intéressantes, mais investir signifie pour nous investir avec une fibre humaine forte. Il faut du temps pour cela et nous en manquons. En revanche, nous partageons volontiers notre expérience. »