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Lyophilise & Co : l’alimentation des aventuriers

Lyophilise & Co, c’est un lien ténu entre la vie et la survie. Ariane Pehrson a fondé cette entreprise spécialisée dans l’alimentation lyophilisée en 2010 à Lorient. À l’origine, une niche commerciale occupée pour répondre à une forte demande des navigateurs de la course au large. Aujourd’hui, les 20 salariés de l’entreprise fournissent les aventuriers de tous poils, mais aussi des entreprises à risques, des populations isolées et certaines organisations humanitaires. 

Ariane Pehrson, fondatrice et CEO de Lyophilise&Co ©7J-Sylvain Mainguy

Ariane Pehrson, fondatrice et CEO de Lyophilise&Co ©7J-Sylvain Mainguy

Ce n’était au départ que des rations alimentaires pour les explorateurs au long cours, une micro opportunité commerciale tenue par quelques discrets acteurs à travers le monde. Depuis, le marché des aliments lyophilisés a pris une autre dimension, et Lyophilise & Co, installée à Lorient-La Base, a pris les choses en main dès 2010. Tellement, que la vocation de l’entreprise dépasse désormais largement le domaine du sport outdoor pour occuper celui de la survie.

 « L’entreprise dépasse désormais largement le domaine du sport outdoor, pour occuper celui de la survie »

 

Une évolution qui se fait dans une ambiance efficace et cool. À la scandinave. En effet, la fondatrice, Ariane Perhson, est d’origine suédoise. Un détail ? Pas sûr. Elle affiche une détermination souriante et une énergie parfaitement contrôlée. Une joie de vivre qui ne laisse personne indifférent, surtout pas ses collaborateurs. Ni même ses banquiers et on les comprend aisément : Lyophilise & Co affichait en 2022 un chiffre d’affaires de près de 6 M€.

 

« Elle réunit ses navigateurs de copains et tente de trouver des solutions »

Une entreprise née d’une première rencontre décevante

L’ optimisme d’Ariane a dû compter pour beaucoup dans les débuts de l’entreprise. « C’est en aidant mon mari à préparer l’avitaillement de son 6,50 pour sa première mini transat que j’ai découvert les produits lyophilisés, se souvient Ariane. Il fallait gagner un maximum de poids et les petits sachets que l’on trouvait à l’époque allégeaient pas mal l’embarcation. Mais question variétés des recettes, ce n’était pas vraiment ça. En plus, il fallait les commander en Suède ou au Canada. Autre détail non négligeable, ça coûtait extrêmement cher. » Si la première rencontre entre les produits lyophilisés et Ariane fut très décevante sur le moment, elle s’est révélée finalement prometteuse. L’idée a fait son chemin dans la tête d’Ariane. Comment des produits aussi intéressants peuvent-ils avoir autant de défauts commerciaux ? La question la taraude. Elle réunit alors ses navigateurs de copains autour de sa table et tente de trouver des solutions pour répondre à leurs besoins. L’idée de Lyophilise & Co est née.

« je voulais tout concilier… »

Le boom des commandes du monde entier

Ariane importe de plus en plus de références et ouvre son premier site de vente en ligne. Pendant deux ans, elle jongle entre ce nouveau job – sur lequel elle projète tout de suite un avenir – et sa vie de famille, notamment ses 3 filles en bas âge. « Je travaillais sans cesse, le matin et le soir, pour m’occuper des filles dès 14 heures. Je voulais tout concilier, souligne Ariane. Il est là mon équilibre. » Les affaires décollent très vite, les commandes affluent du monde entier et le marché se révèle bien plus large que prévu. Consciente de cette opportunité, elle ne veut pas se faire doubler et travaille minutieusement sur le référencement des produits, investit dans une véritable marketplace évolutive. « J’ai rencontré les bonnes personnes, au bon moment, reconnaît-elle aujourd’hui. Notamment des business angels en 2012, ils m’ont aidée à prendre du recul sur le marché et la manière dont je l’abordais. Ils ont vu très vite qu’il fallait occuper cette niche et investir 150 000€. »

Les produits lyophilisés préservent 99% de leurs micro-nutriments

Lyophilise & Co a proposé assez rapidement plus de 250 références, elle séduit tour à tour les navigateurs de Lorient-La Base, ceux de la Sailing Valley, les aventuriers de l’extrême, les sportifs outdoor…  Puis ce seront les rations de survie lyophilisées sur-mesure pour les ONG (SOS Méditerranée et Médecins sans frontière) ou des rations consommables jusqu’à 25 ans pour la ville de Nice ou Saint Barth, la police suisse, la gendarmerie ou des centrales nucléaires… Tous sont intéressés par le conditionnement des produits lyophilisés, leur durée de vie, mais aussi par leur qualité nutritionnelle. Car à la différence des produits déshydratés (à chaud), les produits lyophilisés (à froid) préservent jusqu’à 99% de leurs micro-nutriments. Une donnée capitale quand le rapport poids/apport nutritif est littéralement vital ! Les prix restent toutefois relativement élevés car le procédé de sublimation est très énergivore.

La logistique, le point fort

« Nous réfléchissons à concocter nos propres recettes et à trouver des conditionnements pratiques et qui génèreraient peu de déchets, explique Ariane. Nous avons aussi travaillé avec ID Mer, une plateforme technique lorientaise, pour conditionner les produits en fonction des quantités demandées et du type de transport. Bref, nous désirons répondre à toutes les demandes, même les plus farfelues. Nous avons, par exemple, livré les terres australes, des semainiers individuels pour des aventuriers, des produits sans ail, sans sulfite ou halal… De toute manière, la logistique, c’est notre point fort et nous adorons répondre à ces défis. C’est peut-être la raison pour laquelle 95% de notre chiffre d’affaires est expédié ? » Action, réaction, c’est le fil (rouge) d’Ariane. Lyophilise & Co a inauguré, le 1er juillet, un nouveau bâtiment de 800 m2 exclusivement destiné à la logistique. L’activité libère ainsi les 450 m2 du magasin limitrophe, désormais consacré à la seule vente au détail.

Un management en « horizontalité scandinave »

Dans l’entreprise l’ambiance est bonne, les salariés, bien que débordés, gardent un sourire sincère et la pression reste positive. « Moi, je cherche le bien-être de tous les salariés. Nos bâtiments sont conçus avec toute l’équipe pour que chacun s’y sente bien, dit Ariane devant les sourires approbateurs de l’équipe. On est tous très proches et c’est une chose à laquelle je suis très attachée. C’est ce système de management qui s’est imposé naturellement à moi, reconnaît-elle. Il faut se sentir bien et la performance suivra. J’en suis persuadée, et ceux qui restent adhèrent aussi à ces valeurs. C’est la fameuse horizontalité scandinave. Une méthode qui peut faire peur en France mais qui, pour moi, est essentielle pour donner du sens à mon activité. » Ariane n’hésite pas, en revanche, à bien s’entourer. Elle fait notamment appel à un manager de transition quand la société passe de 12 à 20 salariés. « La période de forte croissance que nous vivons va certainement nous perturber et je voulais anticiper car nous n’avons pas le droit à l’erreur. J’ai donc demandé une expertise extérieure pour préparer cette transition sur 6 mois. » Pragmatique Ariane ? Assurément, mais pas seulement. « Les prestataires extérieurs de cette qualité me soulagent aussi beaucoup, reconnaît-elle. Je suis une lève-tôt et je fais pas mal de télétravail pour passer le plus de temps possible avec mes filles. Et j’en ai un petit peu plus en ce moment car Benoît, mon mari, prépare la transat Jacques Vabre… En tout cas, j’ai besoin d’être libre vers 16h-16h30 pour aller chercher les filles à l’école… avant de reprendre le travail… »

De la Suède à Décathlon, en passant par Quiberon

Ariane est assez discrète sur son passé et humble sur sa formation, elle affiche pourtant un beau CV d’entrepreneuse, qui plus est dans un milieu très masculin, où seule la compétition compte.

Native d’un petit village reculé de Suède, à la frontière norvégienne, elle décide, à 19 ans, de partir découvrir la France, comme l’avait fait sa mère elle aussi à 20 ans. La France s’est ensuite ancrée progressivement : une année de formation voile dans les Hautes-Alpes, un brevet d’État d’éducatrice sportive, un bac en candidat libre, une reprise d’étude à l’école nationale de voile de Quiberon, en « gestion de structure », un poste d’adjointe à l’école de voile, un Master en management à Marseille et enfin, un poste de responsable univers Tribord chez Décathlon… « Une très bonne école du management, reconnaît Ariane. On gère sa petite unité de production de manière quasi autonome, c’est une expérience qui m’a appris tellement. Et, je sais notamment que si on veut réussir à créer une entreprise libérée, il est nécessaire de savoir bien s’entourer et d’être un bon entourage. J’ai tendance à voir les choses du bon côté, ça joue aussi certainement.»

 

Portrait suédois

  • Un aliment préféré ?  Une bonne salade de tomates, oignons, féta… je peux en manger toute l’année
  • Une passion ? Le sport de façon générale et la course à pied en particulier. Question d’équilibre
  • Un paysage emblématique ? La vue de mon champs depuis ma terrasse avec mes chevaux et mes poneys
  • Une musique entêtante ? Je passe mon temps à écouter de la musique. Aujourd’hui, c’est I feel Good de James Brown !
  • Le Morbihan, c’est ? La Suède en France, avec son climat, ses paysages, la mer et les Bretons.