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Maître Hélène Laudic-Baron élue au conseil national des Barreaux

Hélène Laudic-Baron, avocate à Fougères, est Bâtonnière du barreau de Rennes jusque fin 2020. Une mandature de deux années marquées par les réformes de la justice et des retraites et le confinement dû à la Covid-19. Retour sur ces mois d'action, pour celle qui vient d'être élue au CNB - Conseil National des Barreaux, pour la mandature 2021-2023.

Hélène Laudic-Baron

Hélène Laudic-Baron © 7J

La spécificité de la Cour d’appel de Rennes est de s’étendre sur les deux régions administratives de Bretagne et Pays de Loire, avec des décisions prises en alternance entre Nantes et Rennes. Quant au barreau de Rennes, il s’est fortement développé ces 15 dernières années. « C’est un barreau très dynamique, lorsque j’ai prêté serment en 2004 nous étions 350 avocats inscrits. Début janvier on va atteindre les 900 avocats, si l’on compte les 28 nouveaux ayant prêté serment ce 4 décembre. »

Réforme de la justice, confinement Covid-19… Un bâtonnat dense !

Maître Hélène Laudic-Baron a eu à coeur de défendre la profession, dans un contexte de réformes de la justice et des retraites.

« Il s’agit de porter la voix de son Ordre, c’est une voix politique. C’était un peu la triple peine : doublement des cotisations, retraite moindre, et confiscation des réserves des caisses professionnelles ! » Dans ce climat de protestation, la bâtonnière a su préserver des relations respectueuses avec les magistrats, alors que des débordements et incidents émaillaient de nombreuses audiences dans les juridictions françaises.

« Nous avons su garder de bonnes relations avec la Cour. Bien sûr il y a eu des blocages, cela a un peu grincé parfois, c’est le propre d’une grève. Mais cela s’est fait avec respect. Et avec le confinement qui a suivi cette période, ce lien de confiance a été bienvenu pour continuer à faire tourner la machine judiciaire. »

Ce sont ainsi 102 audiences qui ont pu se tenir lors du confinement du printemps, au tribunal judiciaire de Rennes. Le traitement des dossiers civils non urgents a pu reprendre, le barreau de Rennes se mettant aux côtés des magistrats de la cour, réceptionnant et triant les cotes de plaidoirie, afin d’éviter l’engorgement de la justice au moment de la reprise. « Les confrères venaient déposer les dossiers à la maison de l’avocat, tous les jeudis le transporteur du barreau de Nantes amenait ses dossiers aussi. Et un chauffeur de la Cour venait les chercher, les magistrats ont aussi bien joué le jeu, s’engageant à rendre tous les délibérés pour mi-septembre. »

 Vidéos confraternelles

« Lors du confinement du printemps, lorsque je venais à la maison des avocats je me retrouvais toute seule, j’ai commencé à faire une vidéo chaque semaine, chaque jeudi, diffusée uniquement à destination des avocats. Cela a permis de garder un peu de contact. » Un message positif et confraternel, une attention particulière pour éviter l’isolement professionnel ou personnel, des vidéos qui ont connu un véritable engouement, certaines comptabilisant 300 vues un quart d’heure après avoir été postées. « Je ne pouvais pas appeler les 880 avocats, il fallait que l’on soit chacun vigilant à l’égard de son confrère. Cela a permis de demander à ceux qui étaient disponibles de donner des conseils gratuits aux entreprises. Ou même de se soutenir lorsque l’on voyait tomber toutes ces circulaires chaque jour avec des informations qui changeaient perpétuellement. »

102 audiences se sont tenues lors du confinement, avocats et magistrats de la Cour mobilisés pour éviter l’engorgement de la justice

Multitude de tâches afférentes au bâtonnier

Bâtonnier, c’est être comme le maire d’un village, élu par ses pairs. C’est donc aussi régler des affaires internes : être juge prud’homale pour des litiges entre un cabinet et un avocat salarié, traiter en deux ans quelque 350 dossiers de plaintes entre avocats et entre avocats et clients, trancher sur des dossiers d’arbitrages au niveau national aussi, « ce dossier là » indique-t-elle désignant une chemise rouge cartonnée et bondée, « c’est le règlement d’un litige entre un avocat parisien et un autre bordelais… J’étais flattée que l’on fasse appel à moi au début, oh, mais quel imbroglio ! J’ai aussi lancé quatre instances disciplinaires, il ne faut pas mettre les affaires sous le tapis. Mais malgré ce temps nécessaire pour tenir cet engagement, être bâtonnier est un réel épanouissement. C’est tellement riche de savoirs et de rencontres. Je regrette qu’il n’y ait pas plus de candidats volontaires à cette mission, riche de sens, et nécessaire. »

L’engagement au CNB

Hélène Laudic-Baron quittera le bâtonnat de Rennes en cette fin décembre, mais reste membre du Conseil de l’Ordre, et vient d’être élue au CNB – Conseil National des Barreaux, pour la mandature 2021-2023.

« J’étais candidate sur le collège ordinal province, et mes confrères m’ont fait l’honneur de m’élire en première position avec 24 373 voix, hommes et femmes confondus ! » indique-t-elle sans fausse modestie. « C’est une fierté pour le barreau de Rennes ! La conférence régionale de l’Ouest est l’une des plus petites ! Si bâtonnier c’est être comme un maire, là c’est comme devenir député. C’est l’assemblée des 69 000 avocats de France, on y modifie les textes professionnels par exemple. »

 Une assemblée composée de 80 confrères représentant toutes les sensibilités de la profession. Une femme, dans la quarantaine, « oui, j’incarne un certain renouveau, bien sûr, c’est dans l’air du temps. À la « Conférence des 100 », ou la « Conférence des bâtonniers », on échange et l’on débat, cela permet de se connaître. De plus j’exerce à Fougères, je ne regarde pas les petits barreaux de haut, et je m’entends bien avec les grands comme Paris. » Engagée sans être clivante, un atout indéniable.

La déontologie : le socle

 Dans cette instance nationale, le bureau sera élu et les commissions désignées le 19 décembre. Hélène Laudic-Baron pourrait siéger dans deux d’entre elles. Les sujets de la déontologie et les prospectives sur la profession ont sa préférence.

« La déontologie c’est le socle de la profession, c’est un sujet transversal, toute évolution a des incidences en déontologie, on a tous ce réflexe de déontologie, bref c’est un pilier !

 Quant à la prospective de la profession, c’est un métier tellement en mutation, qui a déjà beaucoup évolué depuis 15 ans, et il faut continuer, mais sans brûler les étapes. L’acte d’avocat électronique, les questions de communication et de publicité, les réformes de la formation, les questions des collaborateurs libéraux, la difficulté à intégrer les jeunes dans les cabinets avec pourquoi pas repenser des statuts intermédiaires en phase d’association par exemple. Les sujets sont vastes. »

 Un rôle dans la cité

Ces missions comme bâtonnier de Rennes et à présent comme élue au CNB laissent entrevoir des possibilités d’engagements plus politiques à l’avenir. Mais Maitre Laudic-Baron s’en défend. « Ma priorité reste le cabinet, et les clients. Il n’est pas bon de devenir un professionnel de la politique, il ne faut pas s’éloigner des réalités de terrain. On le reproche assez à nos politiques justement. Certaines décisions sont parfois prises à mille lieues des organisations concrètes et des cabinets d’avocats. Il est hors de question d’abandonner le terrain ».

Et demain ? Loisirs et vacances ?

 « Côté sport j’ai quand même réussi lors de ces deux ans à faire un peu de salle, entre 6 et 7h le matin, deux fois par semaine avant d’aller au bureau à Fougères… mais oui, les vacances, ce serait nécessaire. J’ai pris 9 jours cet été tout de même », indique-t-elle avec ironie « J’ai bien envie de voyager, mais qui sait ce qui sera possible ces prochains mois ? Je veux aussi aller revoir les confrères en Turquie. J’y vais depuis 2012, avec Maryvonne Lozachmeur. Certains sont emprisonnés, poursuivis pour être des opposants au régime, l’avocate Ebru Timtik est décédée fin août, après 238 jours de grève de la faim. Des gens meurent pour leur profession, il ne faut pas les abandonner. »