7J : Comment est née Steeple ?
Tout a commencé alors que j’étais en master entrepreneuriat à Rennes School of Business. Avec mon associé Nicolas Maloeuvre, nous avons développé une solution pour favoriser la communication interne au sein de l’école. C’était une demande forte des étudiants à l’époque. Le master en poche, nous avons intégré l’incubateur de l’école en 2015 et y sommes restés jusqu’en 2017 pour maturer notre projet avec une nouvelle cible : les entreprises.
7J : Des outils digitaux destinés à la com’ interne, il y avait du monde sur le créneau, non ?
Oui, nous étions dans ce qu’on appelle « l’océan rouge », un espace saturé de propositions d’intranet, de réseaux sociaux d’entreprise. Mais concrètement, sur le terrain, aucune solution n’était vraiment satisfaisante. Et on a vite constaté que beaucoup de collaborateurs n’étaient pas très connectés ! Le bon vieux tableau d’affichage de la salle de pause restait un moyen de communication très utilisé, notamment dans les secteurs industriel, agro-alimentaire ou encore dans la grande distribution. Alors en juin 2016, j’ai eu l’idée d’utiliser de grands écrans tactiles pour afficher l’application Steeple dans les locaux des entreprises, d’ajouter à l’usage, la dimension « physique ». Une solution pour digitaliser sans discriminer !
7J : C’est donc le début de l’aventure « phygital » de Steeple. À partir de là, peut-on dire que vous avez trouvé votre « product market fit » ?*
Oui. Après avoir compris que la prise en main par les collaborateurs de notre solution résidait dans cette combinaison « physique + digital », tout s’est accéléré. Jusqu’ici on avait l’habitude de faire des choses très mal, très vite et d’un coup on s’est mis à faire des choses très bien, très vite ! Dès juillet 2016, on a testé l’idée en plaçant un premier écran tactile dans la salle de pause d’une entreprise amie. On se cachait pour voir les gens l’utiliser (rires). Cela a été extraordinaire, les salariés étaient conquis par ce grand écran tactile qu’ils pouvaient manipuler et les statistiques d’utilisation ont explosé. On s’est alors autorisé à mettre plus de moyens sur le web design. Nous avons lancé la commercialisation de la plateforme dans sa version définitive en avril 2017.
*Le Product Market Fit correspond à la rencontre entre un produit et son marché (NDLR)
Comment voulez-vous que les collaborateurs impliquent l’entreprise dans leur vie si l’entreprise ne les implique pas dans la sienne ?
7J : Concrètement, quelles informations trouve-t-on sur ce tableau d’affichage et qui l’alimente ?
Sur l’écran, vous avez des publications et des modules. Les dirigeants et les chargés de communication adorent les publications. Cela leur permet de prendre des photos n’importe où avec leur téléphone et de les diffuser ensuite sur les différents sites de l’entreprise, dans les salles de pause. Les collaborateurs peuvent interagir et liker, commenter… Les modules ont une dimension pratique, ils affichent des informations : cela peut être les anniversaires des collaborateurs, la réservation de salles, mais aussi des choses aussi ludiques qu’un module de pronostics pour la coupe du monde… Sur l’application il y a également une messagerie instantanée. Dans l’avenir, l’objectif est que Steeple agrège toutes les informations utiles aux collaborateurs grâce à une API ouverte. Elle permettra d’importer les données d’applications externes. Cela pourra être les menus proposés par Sodexo au restaurant d’entreprise, un module de covoiturage, le service de conciergerie de l’entreprise… Je suis sûr que dans 10 ans, plus personne ne pourra se passer de cet outil.
7J : Aujourd’hui vous avez 700 entreprises clientes, 150 000 utilisateurs, un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros et 76 collaborateurs. Tout cela sans avoir eu recours à des levées de fonds. C’est assez rare dans le monde des startups ?
Oui c’est vrai. Cela est en partie du à notre modèle d’abonnement qui est l’un des modèles les plus pérennes pour grandir. Nos clients paient leur abonnement annuellement et nous avons la chance qu’ils nous soient fidèles. En 2019, j’ai racheté les parts de mon associé Nicolas Maloeuvre et je suis à ce jour le seul actionnaire de l’entreprise. Cela permet de faire peser moins de pression sur les équipes. Il y a également un risque à lever de l’argent trop tôt : c’est de pérenniser un modèle qui n’est finalement pas le bon. En revanche, si nous avons besoin de liquidités pour nous développer demain, ce n’est pas une option à laquelle je me ferme totalement. Je suis très pragmatique par rapport à ça.
Quand on se sent bien à l’intérieur cela se voit à l’extérieur
7J : Avez-vous des concurrents sur votre concept ?
Non pas à notre connaissance. Nous naviguons dans un océan bleu, sans aucun concurrent direct. Mais être le premier signifie aussi qu’il y a un fort besoin d’évangélisation, car personne ne tape « tableau d’affichage tactile » dans Google. Alors quand on me demande si je redoute l’arrivée de nouveaux concurrents, je réponds que je les attends, car ils aideront à évangéliser le marché. Et puis on pourrait aussi les racheter… Mais d’un autre côté c’est confortable de pouvoir évoluer comme on veut, de ne pas avoir quelqu’un dans le rétroviseur. Il faut juste faire attention à ne pas s’endormir sur ses lauriers, mais heureusement chez Steeple nous sommes ambitieux !
7J : Et chez Steeple comment se passe la communication en interne ?
J’ai horreur de l’expression du cordonnier mal chaussé, donc la communication interne c’est un sujet très important chez Steeple ! Elle sert à faire sentir au collaborateur qu’il est chez lui. Comment voulez-vous que les collaborateurs impliquent l’entreprise dans leur vie si l’entreprise ne les implique pas dans la leur ? À mon avis, ce qui est le plus important pour la cohésion d’équipe, et ce serait mon conseil numéro 1, c’est de mettre en place des rituels. Chez Steeple nous avons plusieurs temps forts par semaine, cela permet aux équipes de se retrouver pour des temps festifs, des temps d’échanges sur l’entreprise, les succès, les avancées, les difficultés… la notion de transparence est fondamentale.
7J : On parle beaucoup de marque employeur pour faire venir des talents, la com’ interne est-elle un outil pour les conserver ?
Pour avoir une belle communication externe, commencez plutôt par travailler votre communication interne ! Vous aurez ainsi de belles histoires à raconter. Il n’y a rien de pire que de vouloir faire de la com’ sur l’externe avec des collaborateurs en interne qui n’en pensent pas moins… Il faut bien comprendre que la communication interne n’est pas un accessoire, c’est de l’obligatoire ! Et parfois les entreprises le découvrent trop tard avec perte et fracas, perdant leurs collaborateurs, n’arrivant plus à recruter. Quand on se sent bien à l’intérieur, cela se voit à l’extérieur.
7J : C’est pour renforcer votre positionnement d’expert que vous lancez aujourd’hui la Steeple Academy ?
Il n’y a pas pire que quelqu’un qui se proclame expert et qui ne l’est pas. Nous, justement, nous sommes légitimes sur le sujet. Je souhaitais donc aller le plus loin possible en proposant de la formation. Nous avions déjà publié un livre sur le sujet (15 recettes pour une com’ interne réussie, NDLR). Avec la Steeple Academy, l’enseignement est très concret, pragmatique, pratico-pratique et riche de nos cinq années d’expérience, des cas de figure rencontrés sur le terrain. Nous proposons gratuitement 80 vidéos soit 4 heures de formation en vidéo très qualitative et un test de 200 questions pour obtenir la certification Steeple. Une compétence que les apprenants pourront ajouter sur leur CV, faire valoir lors d’un entretien et qui pourra aussi aider lors d’une reconversion. On va leur fournir un apprentissage qui n’existe nulle part ailleurs.
7J : La com’interne c’est cool en fait ?
Tout à fait ! Il faut dépoussiérer l’idée que l’on s’en fait. La communication interne a les mêmes codes que les réseaux sociaux… Il s’agit d’animer une communauté comme peuvent le faire les Community managers. L’objectif est de faire vivre une véritable expérience à nos collaborateurs au sein de l’entreprise, avec des outils très attractifs.
7J : Quels sont vos objectifs à court terme ?
Aujourd’hui nous sommes présents à Rennes et à Barcelone. Pour avoir de l’impact, nous avons besoin de présenter notre solution physiquement, en situation. Notre taux de transformation est bien meilleur qu’en visio. Pour ce faire nous allons nous déployer sur tout le territoire. D’abord à Lille et Lyon puis à Strasbourg, Paris, Marseille, Toulouse (ou Bordeaux).
À l’international, on va travailler le Benelux depuis Lille, et l’Italie depuis Lyon. D’ici 2023, nous souhaitons aussi être présents en Allemagne et en Angleterre. Fin 2022, nous devrions afficher un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros et compter 135 collaborateurs. Des objectifs que nous souhaitons doubler en 2023. Je ne vois pas pourquoi on devrait se freiner parce qu’on est à Rennes ! Notre ambition, c’est de changer les modes de communication interne partout dans le monde !
4 questions à Jean-Baptiste de Bel-Air
Une personne inspirante
Mon père ! Il a commencé en remplissant des rayons au Carrefour Alma et 30 ans plus tard il fait son magasin Leclerc. Pour arriver à cela, il n’a pas hésité à emmener toute la famille en Pologne pour ouvrir les premiers magasins de l’enseigne. Nous y sommes restés 6 ans, de mes 8 à 14 ans.
Un livre incontournable
Le dilemme de l’innovateur de Clayton M. Christensen. L’auteur explique comment tous les marchés se font disrupter et c’est très intéressant, surtout pour nous.
Un site web
Le site Medium parce que ça permet d’avoir des témoignages de pairs.
L’idée d’entreprise que vous auriez aimé avoir
Tesla, c’est tellement fort !