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Hoppen, ambassadeur de la French care

Née à rennes il y a 12 ans, Hoppen a multiplié son chiffre d’affaires par 15 en quatre ans (60 millions d'euros en 2023). Proposant des solutions et services d'accompagnement connectés pour les patients et personnes en perte d'autonomie, l’entreprise est présente auprès de 6 millions de patients chaque année, soit 1 patient sur 2 en France, mais aussi en Suisse ou encore au Qatar. Entretien avec Matthieu Mallédant, PDG et cofondateur de la société, aujourd’hui installée dans la « Silicon Valley » rennaise.

Matthieu Mallédant, PDG et cofondateur Hoppen ©Studio Carlito

Matthieu Mallédant, PDG et cofondateur Hoppen ©Studio Carlito

« Un ami malade et coupé du monde »

©Studio Carlito

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En 2007, ingénieur en informatique, Matthieu Mallédant travaillait pour Orange, loin du milieu médical. « Pendant cette période, mon binôme de faculté a été hospitalisé pendant une durée assez longue. En 2008, il n’y a pas encore d’Iphone, Ipad… Il était coupé de tout et payait très cher la télévision et le téléphone en chambre pour rester en contact avec le monde extérieur. C’est à ce moment que j’ai pu percevoir la difficulté de l’hospitalisation longue durée. »
En 2011, avec Sébastien Duré, son associé, le jeune entrepreneur décide de créer Télécom Santé, qui deviendra en 2018 Hoppen : Ho pour hôpital, Hope pour l’espoir et Open pour l’ouverture. Mais le duo ne s’arrête pas là et se demande que faire de mieux pour ces patients. « C’est là qu’on a l’idée d’une tablette médicalisée. À partir de 2011 et l’apparition des usages tactiles, nous y voyons un bon support car il y a de l’interactivité, tout en respectant des normes médicales de nettoyage. » Puis, tout s’accélère. Le duo ajoute la télé sur l’interface, la radio, des jeux, la navigation sur internet… et développe ce concept durant une phase de test, de 2011 à 2014. « À l’époque il fallait faire preuve de pédagogie avec les établissements parce que c’était assez nouveau. Nous avons développé la solution technique, fait les premiers essais et accueilli nos premiers salariés. »

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Comment ça marche ?
Les services sont regroupés sur une même interface, gratuite pour le patient via l’établissement de santé : depuis la maison avec les documents administratifs à remplir en amont, des propositions de prises en charge pour être conduit à l’hôpital, un conseil des hôpitaux préférables selon la prise en charge de la mutuelle, une éventuelle garde d’animaux, etc. Puis, après l’opération, cela passe par une aide pour le retour à domicile, des aides pour trouver un kinésithérapeute, un infirmier à domicile…
Tout le long du parcours, des alertes maintiennent le patient constamment informé.

« Avec 20% d’effort supplémentaire, grâce à des fonctionnalités dédiées au métiers du soin, nous pouvons faire gagner 80% du temps des personnels hospitaliers »

L’autre facette de l’hôpital

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Durant cette première phase de test auprès des patients d’établissements, « uniquement privés d’abord, notamment avec le CHP de Saint-Brieuc », Matthieu Mallédant et Sebastien Duré découvrent une autre facette de l’hôpital. « Les métiers d’aides-soignants et infirmiers. Ils couraient partout et effectuaient beaucoup de micro-tâches qui ne faisaient pas partie de leurs métiers premiers. Un marathon tous les jours ! » Les deux amis suivent le personnel pendant plusieurs jours et font une évaluation de la performance avec des mesures chiffrées.
Suite aux constats établis, Hoppen est engagé pour l’accompagnement des soignants au service de leur qualité de vie au travail. Les deux entrepreneurs ajoutent ainsi de nouvelles fonctionnalités, des applications métiers. « Nous avons noté 17 taches d’interruption permanentes, dont 5 qui représentaient les 2/3 de leur métier. Avec 20% d’effort supplémentaire, grâce à des fonctionnalités dédiées, nous pouvons leur faire gagner 80% de leur temps. » Cinq applications sont donc ajoutées entre 2014 et 2018 : la signature électronique, les commandes de repas, les déclarations d’incidents techniques, le recueil de consentements (hôtelier ou médical) et l’accès au dossier médical. Et en parallèle, l’essor du tactile. « Nous avions fait des tests avec des focus groupes et, notamment, avec un laboratoire brestois spécialisé dans l’ergonomie des interfaces pour les séniors. Sachant qu’ils représentent une grosse partie des patients concernés – l’hospitalisation en France, c’est 72 ans de moyenne d’âge -, il a fallu repenser les manières de faire. » 

Covid et rachats

Malgré toutes ces évolutions, « nous n’étions que dans les établissements privés. En France, il y a 40 % de lits dans le privé et 60 % dans le public. » Les deux cofondateurs s’orientent finalement vers le public, afin d’élargir la base des patients accompagnés. « Dans beaucoup de cas, ce n’était pas l’hôpital qui gérait le parc télévision, c’était souvent délégué à un tiers, des concessionnaires. » Un nouveau marché pour les deux entrepreneurs. En 2019, « on a directement racheté le premier concessionnaire du secteur, Télécom-Services. Un défi de racheter une entreprise de 300 personnes quand nous étions seulement 35 ».

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Arrivent le Covid et son lot d’imprévus. « Cela a créé encore plus de solidarité, car finalement le personnel a vu l’intérêt des nouvelles technologies. Du jour au lendemain, nous sommes passés de 4500 lits à 80 000 lits supplémentaires. » et autant de patients accompagnés ! » Malgré cela, avec les nombreux rachats, les finances en pâtissent. « Il a fallu suivre avec les lits supplémentaires. Et malgré ce qu’on voyait à la télévision, seules les urgences et la réanimation étaient bondées, le reste des hôpitaux était désert. » Hoppen passe l’épreuve du Covid et rachète ensuite le numéro 3 du secteur en 2020, Cineolia. Puis le numéro 2 en 2021, Aklia. « En deux ans, nous avons racheté les trois principaux concessionnaires présents sur le marché en France. » Une remise à niveau était à effectuer cependant pour le dernier rachat, pour les 240 sites et quelque 80 000 écrans concernés..
Avec les différents confinements et l’isolement dans les hôpitaux, l’approche phygitale (solutions technologiques combinées à l’accompagnement humain des équipes) d’Hoppen intéresse de plus en plus. « Le Covid a été très bien traité d’un point de vue médical selon moi. Le vrai problème c’est qu’on a été incapable de traiter les patients hors Covid, c’était la conséquence de leurs problèmes organisationnels. Ajoutez à cela le fait qu’il y a une politique de réduction de lits très importante et un manque de personnel conséquent, l’approche phygitale (solutions technologiques combinées à l’accompagnement humain des équipes Hoppen) est venue répondre à tous les besoins. » 

« Plus de 6 millions de patients hospitalisés et résidents d’établissements médico-sociaux bénéficient de nos solutions chaque année, soit 1 patient sur 2 en France. »

Hôpitaux, personnes en situation de handicap, séniors…

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Avec les concessionnaires rachetés, la machine est lancée. Aujourd’hui, 38 CHU/CH utilisent le portail Hoppen (dont celui de Rennes, Limoges…) et 21 centres de lutte contre le cancer sur 22. « Dans les hôpitaux publics français, nous avons 240 établissements pour 82 000 lits. Et sur la partie privée, nous avons 50 000 lits pour 420 clients, en France et à l’international. Plus de 6 millions de patients hospitalisés passent devant nos écrans chaque année sur 12,8 millions en France. Nous sommes d’ailleurs les seuls à proposer cet ensemble de services outillés regroupés sous une même interface dans le monde. »
Avec près de 60 millions d’euros de chiffre d’affaires, Hoppen fonctionne en phygital, grâce à leurs 450 collaborateurs sur site qui sont en présentiel dans les hôpitaux et du centre d’appel patients ainsi que leurs solutions numériques. L’entreprise accompagne également les personnes en Ehpad, des personnes en situation de handicap au sein de maisons spécialisées et des personnes en soins adaptés à domicile.

« L’Allemagne, prochaine grosse cible »

Hoppen ne compte pas s’arrêter là. Au-delà des rachats et de l’évolution conséquente du chiffre d’affaires – de 4 millions en 2019 à 60 millions en 2023 – « nous avons des axes de croissance majeurs, avec le déploiement de nouvelles offres dans nos solutions. Nous voulons aussi continuer d’améliorer le socle existant. » Déjà présent dans des pays comme la Suisse, le Qatar ou encore l’Arabie Saoudite, le groupe se tourne aujourd’hui vers un nouveau pays. « La prochaine grosse cible est l’Allemagne, pays très en retard dans le domaine digital en hôpital. Il lance un projet pour mettre en place des portails dans tous les établissements et cela va être notre nouveau dossier. Puis également l’Angleterre. Nous avons beaucoup à faire en Europe où la pyramide des âges est préoccupante : nous vivons plus longtemps et nous allons plus souvent à l’hôpital aussi. »
Dernièrement, l’entreprise a changé de siège au sein de la « Silicon Valley » rennaise (Via Silva). Ce nouveau siège comporte un showroom immersif 360° qui retrace l’intégralité du parcours patient phygital, de ses démarches à domicile à son hospitalisation, en chambre connectée ou en box ambulatoire, jusqu’à son retour et rétablissement complet à domicile. Ce nouveau lieu permet aux équipes d’« accueillir les clients, partenaires, acteurs de l’écosystème French Care dont elles sont sont ambassadrices et actrices ».

Sécurité des données
Beaucoup de documents sensibles sont manipulés par les applications Hoppen, ce qui pose la question de la sécurité de données, notamment dans un contexte où certains CHU (dont Rennes) sont victimes d’actes de cybermalveillance. « Nous ne sommes pas hébergeurs de données de santé, juste « transiteurs ». Nous ne stockons rien, nous mettons seulement à disposition l’application et cela va être directement poussé dans l’hébergeur de données de santé de l’établissement. Lorsqu’un problème de type cyberattaque apparaît, l’application est mise en arrêt sans qu’aucune donnée ne soit compromise. » 

BONUS

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Un souvenir marquant lors d’un passage à l’hôpital ?
Quand nous sommes allés faire la première démonstration des interfaces d’accessibilité dans un centre de soins de suite, où les personnes étaient polyhandicapées et n’avaient souvent plus aucune autonomie. La personne avait appris à s’en servir en moins d’une demi-heure et a choisi sa chaîne TV, écouté de la musique… en total autonomie. Quand nous avons interrogé les soignants, ils nous disaient « cette personne-là, on lui met de la musique parce qu’on se dit que ça doit lui plaire, mais peut-être qu’elle la déteste ». On a du mal à rester stoïque dans ces moments, c’est touchant. Il s’agit de personnes adultes, handicapées à vie. Autour de la table, tout le personnel était là et la moitié était en larmes.


Un podcast à conseiller ?

Mes podcasts du moment, ce sont ceux de Tip & Shaft, un média expert de la voile de compétition.

Votre lieu favori ?
Saint-Malo ! Beaucoup d’histoires personnelles dans un lieu riche en Histoire.

Un mantra ?
C’est une citation de Barack Obama : « Le changement ne viendra pas si nous attendons une autre personne ou une autre fois. Nous sommes ceux que nous attendions. Nous sommes le changement que nous recherchons. »

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